La comédie humaine de Pierre Dessons

Publié le 18 juillet 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

"Le marcheur à l'écoute" Bois polychrome Pierre Dessons

"Jeux de cache-cache"

Pour tenter de vous y retrouver dans l'univers artistique de Pierre Dessons, je suggère de prendre quelques repères dans une constellation où vous identifierez aisément les trois B : Bacon, Balthus, Bellmer. A l'intérieur de ce triangle majeur, Pierre Dessons a élaboré patiemment un monde qui n'appartient qu'à lui. Vous ne pourrez pas, pour autant, vous installer confortablement dans ce monde. « Ne pas se sentir à l’aise lorsque l’on regarde mon travail, reconnaît l'artiste, est normal car on se trouve devant un monde de fantasmes mis en poésie. Tant de choses se cachent derrière mes personnages qui s’éclipsent, se cherchent, s’évitent. C’est un théâtre, une comédie, un jeu et ma source d’inspiration  est l’ambiguïté de leurs sentiments. »
Au château de Vascoeuil en Normandie, l'artiste présente actuellement, dans l’exposition  "Jeux de cache-cache", cet univers sous ses divers aspects : peintures, bois polychromes, bronzes. Associé en 1994 à un mouvement qui fut désigné sous le terme  de "Transréalisme" au Château d’Homécourt, en Lorraine, au cours d’une exposition qui réunissait Pat Andréa, Marc Giai-Miniet, Hugh Weiss, Ben-Ami Koller, Pierre Dessons, tout en gardant des affinités avec ces artistes, a continué son exploration personnelle d'un espace intime sujet aux turbulences.

Jeu de déconstruction

Le cataclysme qui désorganise l'univers créé par Pierre Dessons connaît son épicentre vraisemblablement dans l'élément féminin : femme-enfant ou femme-pantin subissant un jeu de déconstruction permanent. Pour en revenir à la constellation Bacon, Balthus, Bellmer, citons Christine Frérot: "Dans cette sensualité discrète et douce, servie par une palette de roses, chairs, gris et bleutés, l'humour défait l'agressivité et la désarticulation parodique des corps concours à évacuer tout érotisme."

"Du côté d'Adam" Pierre Dessons

On ne peut cependant évacuer toute idée de perversité, d'impudeur, et donc de gêne comme si souvent dans les tableaux de son ami Pat Andréa. Cette gêne vient de la situation de voyeur dans laquelle nous place le peintre et sculpteur. Même la notion de jeu prête au malaise. Ces jeux ne se limitent pas aux jeux d'adresse ou d'équilibre. Le déséquilibre apparaît même comme un élément moteur de cette œuvre, tant il touche à la fois le déséquilibre physique et le déséquilibre mental. Les poupées désarticulées de Han Bellmer, les équivoques jeux d'enfants de Balthus, la cruauté de Francis Bacon pourraient accompagner les scènes peintes par Pierre Dessons, scènes qui contribuent à rendre cette comédie presque inhumaine, aux personnages dépourvus d'expression.

Huis clos

Pierre Dessons m'expliquait il y a quelques années que son travail s'inspirait du quotidien, de la vie de la maison. Singulier quotidien quand même qui s'alimente d'un monde de fantasmes, d'une atmosphère souvent dérangeante, d'un huis clos  étouffant. Cet espace relevant de l'intime se trouve ici révélé au grand jour, accentuant encore s'il est besoin, la position de voyeur dans laquelle se retrouve le regardeur de ses œuvres. Si bien que le cache-cache évoqué dans le titre de l'exposition pourrait concerner en premier lieu cette relation entre le peintre et son spectateur avec lequel il joue, comme son ami Pat Andréa, avec un malin plaisir.

Photos de l'artiste

Pierre Dessons "Jeux de cache-cache"

Du 5 juillet au 31 août 2014
Chateau de Vascoeuil
27910 Vascoeuil