Parlez-vous l'Elamite ?

Publié le 18 juillet 2014 par Louvre-Passion

Au cours de l'émission à laquelle j'avais été invité au mois de mai dernier, le Directeur du Louvre-Lens évoquait le « mythe » des réserves du Louvre en ces termes : « Il y a, par exemple, des milliers de tablettes gravées de textes en cunéiforme, passionnantes pour un chercheur, mais un peu lassantes pour le public qui ne parle pas couramment l'Elamite ».

Cette remarque a éveillé ma curiosité et je suis parti à la découverte d'oeuvre Elamites. Au rez-de-chaussée de l'aile Sully, j'ai donc trouvé la salle 10 consacrée à « la Susiane à l'époque médio-élamite ». J'ai donc le plaisir de vous présenter cette magnifique brique avec une inscriptions de l'époque du roi Shilhak-Inshushinak (XIIe siècle avant J.-C.). Là, je vois qu'une bonne partie de mes lectrices et lecteurs sont un peu perdus, car, comme moi vous ne parlez pas couramment l'Elamite et cette période historique vous est obscure. Mais rassurez-vous, voici quelques explications.

L'Elam est le nom ancien d’une région du sud ouest de l’Iran, elle fut de tout temps en étroite relation avec la Mésopotamie et sa capitale était Suse, ville qui fut plus tard une des capitales de l'empire Perse. Durant l'antiquité l'Elam fut tantôt une province, tantôt un état indépendant. La brique que je vous présente date du règne du roi Shilhak-Inshushinak (de -1150 à -1120). Il est le fils de Shutruk-Nahhunte, et son règne est considéré comme marquant l'apogée du royaume élamite. Il continue les conquêtes de ses deux prédécesseurs, mais échoue lorsqu'il veut reprendre Babylone.

Shilhak-Inshushinak a également réalisé de nombreuses restaurations de temples, surtout dans la ville de Suse, où il a rebâti les temples des dieux Inshushinak et Ninhursag.

La brique est écrite en cunéiforme, écriture qui naît en Mésopotamie vers 3.300 avant notre ère pour disparaître au début de l'ère chrétienne. Elle a été utilisée dans tout le Proche-Orient antique et a servi d'écriture pour de nombreux peuples : Les Akkadiens, les Sumériens, les Elamites… Les pharaons d'Egypte eux-même l'utilisaient pour leurs correspondances diplomatiques. Le nom de « cunéiforme » lui a été donné par les premiers découvreurs, au début du XVIIIe siècle, qui trouvaient que les inscriptions ressemblaient à des clous ou des coins (cunéus en latin).

Selon le cartel du Louvre le texte, daté de 1140 avant J.-C, se traduit ainsi :

"Je suis Shilhak-Inshushinak, fils de Shutruk-Nahhunte, serviteur aimé d'Inshushinak. Le temple d'Inshushinak avait été construit en briques crues et comme il se dégradait, je l'ai reconstruit en briques cuites, avec une structure de briques émaillées où j'ai fixé des montants d'or. Pour ma vie, pour la vie de Nahhunte-utu, mon épouse, et la vie de ses enfants, pour notre prospérité, je l'ai voué à Inshushinak, le seigneur de l'Acropole, mon dieu. Et j'ai recopié sur la nouvelle brique de fondation les noms des rois de mon royaume, mes prédécesseurs. (Voilà ce que) j'ai restauré et reconstruit. O Inshushinak, mon dieu, j'ai oeuvré : que ce que j'ai accompli te soit agréable en offrande !"

Sur ces belles paroles du roi Shilhak-Inshushinak, Louvre-passion marque une pause pour cette période estivale.