Il arrive, parfois, dans une profession aussi dure que celle de blogueur pour le festival de Saintes, de voir ses volontés être contrariées. Ainsi, alors que tout guilleret, j’arrive ce matin au QG du blog (comprenez les cuisines de l’administration, depuis que nous avons été chassés temporairement de la salle Blanche) avec la ferme intention de faire la rencontre d’un percussionniste pour la série “A la recherche de…”, voilà ce tyran de rédac’ chef qui m’impose mon instrument du jour : ce sera la voix, et rien d’autre. Bon, les percussions attendront.
Assez vite (comprenez deux minutes après avoir franchi le seuil de l’administration), je croise un premier informateur fort utile : Michel Garnier, photographe sur le festival depuis 30 ans, le genre d’homme dont vous pouvez être sûr qu’il saura vous renseigner. Après quelques secondes de réflexion, il me dit qu’une choriste blonde du Collegium Vocale est en ce moment-même sur la terrasse de la buvette. Et en effet, quelques mètres plus loin, je trouve, assise à côté d’un ami musicien sur un canapé, la choriste flamande Mieke Wouters. Ne parlant que très peu français, l’entrevue se fait en anglais.
C’est assez tardivement, à 20 ans, qu’est née sa vocation pour le chant : « Je pense cela s’est fait lorsque j’ai commencé à étudier la musique. J’ai toujours aimé le chant bien sûr, mais c’est là que ça a réellement commencé. » Quand au moment où elle a décidé d’entamer une carrière musicale, eh bien… il n’en a pas eu. « Après avoir fini mes études, j’ai enseigné pendant cinq ans. J’ai commencé à chanter dans quelques ensembles, et de fil en aiguille… Il n’y a pas vraiment eu de décision, c’est arrivé comme ça ». Son rapport profond au chant est particulièrement intéressant, quasi mystique : « Mes parents chantaient toujours quand j’étais petite, à la maison. […] Pour moi chanter ensemble, c’est comme sentir une connexion entre les gens. On peut partager beaucoup de choses sans avoir à parler. »
Je lui demande alors si le chant est d’abord, pour elle, un art de groupe : « Non, pas nécessairement. C’est une question d’union, non seulement entre les gens, mais aussi avec quelque chose de supérieur. C’est essentiel. Comme la danse, c’est la même chose pour moi ». Une question particulière me taraude : la manière dont elle entretient sa voix. « Je pense que c’est important d’avoir une bonne hygiène de vie. Mais il y a plus que ça, c’est aussi dans la tête, il faut se sentir libre. Je ne bois pas et je ne fume pas, mais ce n’est pas particulièrement à cause de ma voix. »
Après avoir laissé Mme Wouters vaquer à ses occupations, je repars quasi immédiatement à la recherche d’un autre chanteur ; interviewer une choriste, c’est bien, avoir une soliste en prime, c’est mieux. Là, je reviens à mes sources habituelles : Cyril, responsable communication, me donne le nom de Céline Scheen, qui a donné une représentation la veille et doit participer à un duo avec Damien Guillon le lendemain. Je finis par la trouver, elle aussi, assise à la terrasse ; décidément, cette buvette aura été le point névralgique de toute l’abbaye…
La vocation de Mme Scheen pour le chant est apparue très tôt : « Mon papa dirigeait la chorale du village, là où j’habitais en Belgique, à la frontière allemande. Donc je chante depuis que je suis toute petite. Par contre j’ai commencé le solfège à l’âge de six ans, il fallait que je choisisse un instrument. J’avais des tout petits poumons, j’étais souvent malade. Le médecin de famille a dit qu’il faudrait développer la capacité pulmonaire avec un instrument à vent ; et j’ai donc choisi la flûte traversière, malheureusement ! C’était un très mauvais choix, mais j’ai quand même tenu dix ans avec ma flûte et c’était bien pour pouvoir chanter après. Ça m’a vraiment permis de faire ce métier à l’aise, les fragilités que j’avais ce sont transformées en forces ! ».
Pour ce qui est du moment où elle a décidé de devenir professionnelle, la réponse est similaire à celle de Mieke Wouters : « J‘ai pas vraiment décidé. J’ai commencé les cours de chant à 15 ans, j’ai fait des concours, ça marchait… Mais j’ai toujours préféré la musique moderne à la musique classique. Je suis rentrée au conservatoire, avec un répertoire très classique : la musique romantique, Mozart… J’ai terminé le conservatoire en Belgique, en me disant que je ne pourrai pas travailler avec ça ; je me suis perfectionnée à Londres, mais je me demandais toujours comment j’allais faire. Et puis, je suis tombée amoureuse de la musique ancienne, et là ça a été la lumière ! Je me suis dit, enfin, que c’était ce que je voulais faire ! ».
Étant moi-même tout sauf un initié en terme de musique classique, j’en profite pour lui demander quelques précisions sur les termes de soprano, ténor, baryton et autres… « C’est une question de tessiture, de registre. Ça part de la basse, puis il y a le baryton, les barytons légers, les ténors ; puis on passe chez les femmes, les contre-ténors, les mezzos, et enfin, les sopranos. Après, on peut départager en pleins de types de voix, surtout dans la musique ancienne, où la tessiture des sopranos est plus courte. La voix est traitée différemment. […] En musique ancienne, la voix n’est jamais vraiment aiguë pour les sopranos ». J’étais donc bien sur la bonne voie pour mon instrument du jour.