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Un tic nerveux

Publié le 17 juillet 2014 par Dubruel

d'après LE TIC de Maupassant

À l’hôtel de Châtelguyon, je dinais Dans la grande salle à manger Quand entrèrent Une jeune femme et son père. Je remarquais qu’elle avait l’air las, Fatigué. Et que sa main gauche restait gantée.

Durant tout le repas, Comme ils étaient attablés face à moi, Je notai aussi que le père Avait une gestuelle singulière. Chaque fois Qu’il voulait atteindre un objet, Sa main décrivait un rapide crochet, Une sorte de zigzag affolé, Avant de parvenir à toucher Ce qu’elle cherchait.

Le lendemain, en ville, J’ai croisé le père et sa fille Qui me demandèrent : -« Pardon, Quelles sont les jolies promenades à faire Dans cette région ? » Puis, tout naturellement, Nous parlâmes aussitôt De la vertu des eaux. Et spontanément, Il me dit : -« Ma fille a une étrange maladie, Des troubles nerveux à répétition. Voilà pourquoi nous sommes à Châtelguyon. »

Me rappelant le tic violent de sa main, Je lui demandai : -« N’y aurait-il pas un fond d’hérédité ? » -« Vous faites sans doute allusion Au spasme de ma main. Il provient d’une terrible émotion. C’était il y a quelques années, Ma fille fit une terrible chute de cheval. Un jeune domestique, Jean Duval Me la rapporta froide, inanimée. Le médecin constata le décès. On l’enterra. Vous imaginez quel était mon état. Je rentrai du cimetière, désespéré Seul, épuisé.

Vers vingt-trois heures, On frappa à ma porte. Je pris peur : Dans l’ombre, j’aperçus une femme debout : ‘’-Qui…qui…qui êtes-vous ?’’ ‘’-C’est moi, père.’’ Je fis deux pas en arrière Comme pour chasser ce fantôme féminin. Et j’eus ce geste de la main Qui ne m’a plus jamais quitté.

Ma fille ajouta : ‘’-Je n’étais pas décédée. On m’a déterrée Et coupée le doigt pour voler Ma bague de diamants sertie d’or. La douleur m’a ranimée.’’ Ma fille était encore Couverte de sang. Je la fis asseoir, Et appelai mon valet : ‘’-Jean, Apportez-lui à boire.’’ Il regarda ma fille D’un air débile. Il eut un horrible tremblement Et tomba raide mort sur le dos.

C’était lui qui avait ouvert le caveau, Qui avait mutilé mon enfant, Et qui, n’ayant pas réussi à effacer Les traces de son vol, l’avait abandonnée. Vous voyez, monsieur, Nous sommes bien malheureux. »


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