La critique de Claude :
Le 18 juin 1940, le Général de Gaulle, sous-secrétaire d’Etat à la Guerre dans le Gouvernement démissionnaire de Paul Reynaud, invite les Français qui veulent continuer à combattre à le rejoindre à Londres.
Ils seront quelques milliers, pas plus, dans les premiers mois. Tour à tour, Vichy, avec ses généraux et amiraux félons, les dirigeants Britanniques, plus méfiants que leur opinion publique, Roosevelt, qui prend De Gaulle pour un dictateur, enfin les inévitables querelles françaises (gauche/droite, syndicats/partis/mouvements de résistance), s’attacheront à détruire la légitimité du Général, et donc la fragile construction de l’unité de la France combattante.
Pourtant, le 26 aout 1944, De Gaulle descendait les Champs Elysées, chef incontesté du Gouvernement provisoire et des Résistants de toutes tendances. A l’Hôtel de Ville de Paris, il disait « la France rentre chez elle ».
Ce livre de Jean-Louis Crémieux Brilhac, acteur de la France libre avant d’en devenir un historien de premier plan, raconte le patient travail du Général pour faire de la France Libre le « porteur de la République », et donc de la légitimité.
Les premiers chapitres sont consacrés à l’Appel, qui n’est pas le résultat d’un coup de tête, mais d’une formation d’officier et de philosophe, consacrée à la décision, qui doit être fondée sur des arguments, soigneusement préparée, rigoureusement exécutée. Dans une certaine mesure, cette fermeté intellectuelle suppléera à la pauvreté des moyens politiques et matériels
On lira un très émouvant portrait de René Cassin, juriste universitaire libéral et républicain dont De Gaulle a fait son « Secrétaire général du Gouvernement ».
Rassembler autour de lui toutes les Résistances, tel est l’objectif majeur du Général, qui désigne un Préfet républicain, Jean Moulin, pour le représenter en France et fédérer les Mouvements. On imagine le risque majeur pris dans ces réunions par Moulin et ses compagnons, qui feront l’objet du « coup de filet » de Caluire (21 juin 1943), non sans avoir adopté le Programme du Conseil national de la Résistance.
Au fil du livre, on voit combien De Gaulle était capable de séduire les adversaires les plus fermés : les Communistes français et soviétiques, à qui il en a imposé, le Commandant en chef Eisenhower, qui a fini par interpréter de façon très large les instructions de Roosevelt, quand il estimait que De Gaulle avait raison et était plus capable de faire rentrer la France dans l’ordre qu’une quelconque administration américaine.
Au delà de cette épopée, le livre contient de précieuses informations sur la tragédie des Glières (maquis de Haute Savoie, février-mars 1944), sur le fonctionnement des services d’information de la France Libre et des Alliés, sur les jeux complexes de Londres et d’Alger.
Une lecture passionnante pour qui s’intéresse à cette période de l’histoire.
De Gaulle, la République et la France Libre, par Jean Louis Crémieux Brilhac, Editions Perrin, coll. Tempus - 493 p., 11€