Article invité: par Eric Serres.
Après 10 jours d’une course folle, les coureurs français sont plus que jamais aux avant-postes. Malgré certaines fausses modesties, le départ de deux des grandissimes favoris leur laisse plus que jamais espoirs et champ-libres. Depuis Oyonnax (Ain). A les écoutez, ils ne visent qu’une place dans le Top 10 de cette 101eédition du Tour. Mais à lire entre les lignes, il apparaît plus qu’étonnant qu’ils ne se contentent que de ce seul classement d’ici Paris. Avant-hier, à la Planche des Belles Filles, comme la veille entre Gérardmer et Mulhouse, la génération montante du cyclisme français a montré de belles qualités et réalisé des performances de très haut niveau. Avec quatre coureurs aux huit premières places du classement général à mi-parcours (et deux autres encore dans les vingt premiers), il y a de quoi espérer. Et pourquoi pas une place sur le podium des Champs-Elysées?
La modestie affichée a, en effet, de plus en plus de mal à se cacher derrière la réalité du terrain, surtout depuis les abandons de deux des grands favoris et régulateurs de course que sont habituellement Chris Froome et Alberto Contador. Romain Bardet (AG2R La Mondiale), 4e du général et premier français a d’ailleurs fini par lâcher le morceau: «J’en ai un peu marre de suivre. Je ne suis pas encore entré dans mon Tour et j’ai très envie de passer à l’offensive dans les Alpes.» Bonne nouvelle pour le cyclisme français, en quête de forts caractères depuis Bernard Hinault et Laurent Fignon. Mauvaise nouvelle pour son manager, Vincent Lavenu, qui n’aime que les tirs groupés et rêve en tout premier lieu de ramener, cette année, le dossard jaune de meilleure équipe de la Grande Boucle. Mais voilà, la jeune génération a senti le vent du changement souffler et ne veut pas rester à quai. Thibaut Pinot (FDJ), deuxième à la Planche des Belles Filles derrière Vincenzo Nibali et dorénavant sixième du classement général, ne cachait même pas, derrière des sourires de façade, la déception de n’avoir pas voulu suivre l’Italien. Il montrait même, quant à la suite, une certaine impatience: «Les Astana ne vont pas pouvoir tout le temps contrôler.» Et d’ajouter: «Ces cols étaient un peu courts pour moi.» Lisez: ceux des Alpes et des Pyrénées seront à la hauteur de ses ambitions. Dans ce tableau à trois couleurs, ne peut être oublié Jean Christophe Peraud, autre AG2R La Mondiale, qui, à 37 ans, sait, plus que jamais, tenir les comptes d’une course à étapes. Déjà dans le top 10 il y a 2 ans, il est armé pour jouer les duettistes avec son fougueux compère Romain Bardet. Derrière, à quelques encablures, la famille Europcar a, avant-hier sous la pluie, perdu des bords, alors même que la veille, semblait avoir pris le large. Mais Pierre Rolland reste un flibustier de haute volée, amoureux des coups de Trafalgar. L’arrivée sur son terrain de jeu favori pourrait lui redonner des ailes et lui donner l’idée de prendre les vents ascendants. Retrouver ses jambes du Giro, où il termina quatrième, n’est pas mission impossible. Accompagné de son fidèle Cyril Gauthier ou même d’un Thomas Voeckler, pourquoi pas en mode sacrificiel, Pierre Rolland connaît son cantique alpestre ou pyrénéens sur le bout des doigts: «Remenber, l’Alpe d’Huez 2012.» Le seul bémol à tous ces espoirs de vie en bleu, blanc et rouge, serait que le cyclisme, qui a tant horreur du vide, l’ait déjà comblé avec un Nibali omnipotent. Thibaut Pinot, qui sait dorénavant lire dans le texte le petit manuel du cycliste illustré par Marc Madiot, calme les ardeurs: «Dorénavant il va y avoir deux courses, une pour le général et l’autre pour les étapes.» Et laisse ainsi planer l’incertitude du «déjà vu, déjà entendu». Il est vrai qu’avec le combat acharné qui s'annonce entre l'Australien Richie Porte (Sky, 2e du général), l'Espagnol Alejandro Valverde (Movistar, 3e) ou l'Américain Tejay van Garderen (BMC, 7e), il faudra savoir où et quand corner la page.