C’est en découvrant le clip de Good Day Today qu’Arnold de Parscau a réalisé pour David Lynch que Benoît Delépine, séduit par l’univers visuel inventif du jeune cinéaste, a eu envie de lui confier l’adaptation de son scénario. Mêlant folie, paranoïa et obsession, Ablations en impose grâce à une mise en scène ciselée, graphique et débordante de créativité.
A l’occasion de la sortie en salle de ce premier long métrage le 16 juillet, Des Films et des Mots a rencontré Arnold de Parscau et Benoît Delépine. Une rencontre passionnante que nous aurions aimé prolonger!
Des Films et des Mots : Comment qualifieriez-vous Ablations?
Arnold de Parscau : Disons qu’il s’agit d’un film multi-genres, entre le polar, le personnage principal menant l’enquête tout au long de l’histoire, le drame, puisqu’il perd tout, sa famille, son travail, sa raison, et le triller. Dans le scénario original, le registre était plutôt tragi-comique. Mais nous avons évoluer vers une ambiance plus sombre et chercher à rendre évident ce malaise qui se crée à mesure que l’histoire avance.
Benoît Delépine : C’est un film « malaisant »! Aucun des personnages, que l’on pense à Pastor ou aux médecins, n’est cartésien et tous ont perdu pied. Chacun est dans sa propre réalité et a sa logique. Prenez Pastor : il préfère partir à la recherche du rein qu’on lui a volé que demander de l’aide à la police. Comme il le dit lui-même : « Qu’est-ce qu’ils vont faire? Me rendre mon rein? ». Récupérer ce morceau qu’on lui a pris est une façon pour lui de redevenir entier.
DFDM : Parlez-nous de votre collaboration.
BD : J’ai contacté Arnold après avoir découvert ses courts métrages et le clip du disque de Lynch. Son univers visuel, sa maîtrise technique, les émotions qu’il transmet, m’ont littéralement scotché, d’autant plus lorsque j’ai appris qu’il n’avait que 23 ans à l’époque! Nous avons retravaillé le scénario d’Ablations pendant un an environ : les personnages s’étoffaient à mesure que le casting se confirmait. Denis (Ménochet), pour qui j’avais écrit le rôle après l’avoir vu dans Inglorious Basterds, a été le premier à répondre présent et s’est particulièrement impliqué dans le projet. Avec Arnold, ils ont beaucoup répété et ont permis au scénario d’acquérir plus de matière. Une fois la caméra en route, je leur ai laissé carte blanche. J’avoue que le premier jour de tournage, le fait de donner quelques indications par-ci par-là me titillait. Mais le chef opérateur, que je connais bien, m’a vite remis à ma place!
AdP : Le personnage de Pastor a été le plus long à développer. A force de discussions avec Benoît et Denis, j’ai saisi la direction vers laquelle Benoît voulait emmener l’histoire. Une fois le scénario bien en tête, j’ai pu me consacrer au tournage au cours duquel j’ai beaucoup appris sur la direction d’acteurs. Il faut dire que le casting est de premier choix!
DFDM : Benoît, en quoi le travail d’Arnold vous a interpelé ?
BD : Son sens de l’image, son travail autour de la symbolique, la précision de sa mise en scène, le soin apporté au cadrage, sa fantaisie créative… Le cinéma doit être cinématographique! Les cinéastes devraient sans cesse être à la recherche d’images fortes.
DFDM : Et vous Arnold, qu’est-ce qui vous a séduit dans l’univers de Benoît?
AdP : Mammuth est le premier film de Benoît et de Gustave (Kerven) que j’ai vu. Puis je suis tombé fou amoureux d’Aaltra, de son côté décalé qui me parle tant. J’aime beaucoup jouer sur les contrastes et apporter quelques petits décalages dans un film. Ce n’est pas un hasard si Topor, Gustave Doré, Kubrick, Lynch, font partie de mes artistes de prédilection. Les contes oniriques me fascinent également tout comme les énigmes, la métaphore… tout ce qui sort du réel visuellement parlant. Pour autant, je ne suis pas féru de fantastique. Je préfère m’amuser à insérer des éléments du fantastique dans le réel. J’espère que cela se ressent à travers Ablations.
Ablations