Retrouvez ci-dessous la tribune de l’imam français Tareq Oubrou :
« Le conflit israélo-palestinien est au cœur de toutes les discussions du moment. J’appelle mes concitoyens, quelle que soit leur appartenance religieuse, à l’apaisement. Je sais bien que certains, prompts à vilipender toute tentative allant dans ce sens, interpréteront ce message comme une trahison, alors même qu’il s’agit d’un appel à vivre ensemble et apprendre à décrypter les finesses de notre société.
Nous, musulmans de France, devons savoir faire la part des choses. Discerner ce qui est politique de ce qui est religieux, ce qui relève de l’identité de ce qui relève de la communauté. Les juifs de France doivent également s’inscrire dans cette démarche.
Je m’inscris en faux lorsque la religion est instrumentalisée à des fins de rassemblement dans ce conflit. Non, la religion n’a rien à voir avec l’antagonisme israélo-palestinien. C’est politique. Je tiens à ce que la religion, juive ou musulmane, soit mise à l’abri des analyses sur ce conflit.
Mais ce discernement ne pourra s’opérer que s’il est mis en place de chaque côté. Ainsi, les juifs doivent dire la part de responsabilité de l’Etat hébreu dans le conflit, comme les musulmans doivent dire également la part de responsabilité des organisations qui sèment le trouble. Cela aidera significativement chacun à reconnaître en l’autre un interlocuteur raisonnable.
On ne peut pas défendre l’indéfendable systématiquement au motif que la partie en cause est membre de sa propre communauté. Chacun doit assumer ses responsabilités. Nous sommes des Français, des citoyens du même pays, nous avons le devoir de vivre ensemble en bonne intelligence. Donc, de savoir discuter, d’accepter un dialogue contradictoire et surtout, surtout, de ne jamais passer de la posture politique à la violence.
Notre pays est face à une singularité étonnante, il est l’un des seuls d’Occident à accueillir des communautés juive et musulmane aussi importantes. Les enjeux qui en découlent sont considérables. On a pu le constater récemment avec l’affaire Merah ou bien encore avec l’affaire Nemmouche. Or, rien, absolument rien, ne peut permettre de justifier un passage à l’acte. Ces deux affaires sont la traduction d’un processus d’identification massif au peuple palestinien par une population musulmane vulnérable. Ce transfert inconscient de nos banlieues est la marque d’un manque d’éducation sociale et morale liée à la déshérence de ces territoires par la République.
Nous avons besoin d’hommes et de femmes courageux pour parler avec leurs communautés et leur faire entendre raison quand le conflit israélo-palestinien s’insinue trop loin dans nos vies.
Etant donné que la situation me semble bien délicate là-bas, que je reste fort pessimiste sur une issue heureuse, nous devons redoubler d’attention. Les juifs doivent être capables de dire que la politique israélienne salit l’image de leur communauté à travers le monde. Qu’elle ne leur rend pas service. La colonisation des territoires palestiniens doit cesser, le droit international doit s’appliquer. Il me semble que c’est la seule manière d’apaiser les musulmans dans le monde. Et les musulmans doivent dire haut et fort que les multiples agressions du Hamas sont condamnables.
Il ne faudrait pas que les juifs de France soient plus israéliens que les Israéliens et les musulmans de France plus palestiniens que les Palestiniens. Tout en adoptant des postures politiques différentes à l’égard de ce conflit meurtrier, une démarcation citoyenne française reste nécessaire pour un vivre ensemble en France.
Tareq Oubrou »