Magazine Sport

Grand trail Stevenson: retour chez Modestine!

Publié le 16 juillet 2014 par Sylvainbazin
Depuis que j'avais eu le bonheur de fouler, en compagnie de quelques amis, le chemin de Stevenson, il y a trois ans, je n'avais plus eu l'occasion d'y revenir. Pourtant, dès l'année suivante, le Grand Trail Stevenson avait vu le jour et les organisateurs m'avaient gentiment invité à y participer. Comme j'ai gardé un excellent souvenir de ce voyage, qui m'avait encore plus ouvert l'appétit à la "grande itinérance" et préparé aux plus longs chemins que j'ai parcouru, seul, depuis, j'ai répondu avec plaisir à leur appel cette année.
Comme je suis bien occupé, et que je n'aime pas tant prévoir à l'avance les choses, je n'ai regardé le programme de ce qui m'attendait précisément durant ce week-end du 14 juillet que pendant la semaine: trois étapes, curieusement réparties en 57, 90 et 24 kilomètres, pas mal de variantes plus techniques au chemin historique, et surtout, surtout, des levers bien avant l'aurore les deux premières nuits! Je me réjouissais de participer à ce bel événement, mais je sentais déjà, plus encore en écoutant ma forme très modérement compétitive, que le week-end ne serait pas de tous repos.
Le long, bien plus long que prévu à cause d'embouteillages importants et de détours pour aller chercher des passagers supplémentaires, mais sympathique trajet en co-voiturage depuis Chambéry pour se rendre à Florac, ne me reposait pas avant d'arriver. La Lozère se mérite, mais les voyages en voiture c'est à peu près ce que j'aime le moins dans les déplacements. Enfin, j'y suis, j'y retrouve parmi les coureurs et les bénévoles plein d'amis et de visages connus. L'accueil est chouette et l'ambiance immédiatement conviviale. Je retrouve donc une organisation à taille humaine comme je les aime.
Le temps d'avaler une soupe et un plat de pâtes (ce ne sera pas le dernier du week-end), et je m'installe dans le gymnase attenant, où les autres coureurs ont déjà disposé leurs sacs de couchages et matelas, plus ou moins perfectionnés et confortables. Le mien est un thermarest des plus fins et des moins larges, qui ne me permettra qu'un repos relatif sur le sol dur et froid. Mais j'arrive tout de même, malgré mes craintes, à m'endormir.
Pour quelques heures seulement: le tocsin sonne à trois heures du matin! Après un petit-déjeuner sans appétit, nous prenons le bus en direction de Saint-Jean du Gard d'où sera donné le départ de cette première étape. J'y discute un peu avec un coureur dont c'est la première expérience sur une telle distance, et qui ne disputera d'ailleurs que la course du jour. 57 kilomètres, c'est déjà beaucoup après tout. Il y a quelques années, quand je courais bien plus vite, ce n'était pas si commun que ça pour moi... J'essaie ensuite de grapiller quelques minutes de sommeil entre deux tournants de la route sinueuse qui nous mène, dans l'obscurité, à travers les Cévennes.
Le jour se lève à peine lorsque nous gagnons Saint-Jean du Gard. Mes compagnons n'ont pas l'air bien plus réveillés que moi mais nous nous préparons cependant à prendre le départ. Nous sommes un bon petit peloton, une soixantaine de coureurs à peu près. A taille humaine, encore une fois.
Je suis bien décidé, étant conscient de mes capacités limitées en ce moment, à ne pas partir trop vite ni forcer comme un âne (ce serait le comble chez Stevenson) pour boucler assez sereinement la distance tout de même bien copieuse proposée sur ces trois jours.
Cependant, mes premières sensations ne sont pas si mauvaises. Est-ce parce que le terrain me convient ou parce que ça ne part pas non plus très vite, mais je me retrouve à suivre sans trop de problème le groupe de tête dans la première grimpette du jour. Les premières relances sont encourageantes. Je me plonge donc un peu dans la course, tout en restant un peu quand même sur la retenue.
Grand trail Stevenson: retour chez Modestine!
Photo: Paul Vicot. Organisation.
Je retrouve avec plaisir aussi les paysages du Stevenson, cette nature préservée et intime de montagnes moyennes. Je ne reconnais cependant pas tout, loin de là. Tamis des souvenirs et nous prenons aussi beaucoup de variantes. Les premières de la journée nous font passer par des coins bien abrupts où Modestine aurait eu bien du mal à poser correctement ses sabots. Au sommet du point culminant, que l'on atteint en posant parfois les mains, on peut néanmoins admirer une très belle vue sur les reliefs dans ce matin dégagé.
Je lie conversation avec Lionel, un coureur de Clermont Ferrand, où il tient salon de coiffure, mais originaire de la région. Nous nous sommes déjà croisés et avons quelques amis communs dans le petit monde du trail. Nous discutons agréablement tout en courant à un bon rythme, rattrapons assez vite la plupart des coureurs restés devant nous. Le paysage, devenu plus forestier, reste bien agréable.
Après le 30 eme kilomètre, je dois laisser filer mon compagnon de route. Mes jambes, mon corps, me rappellent qu'ils ne sont plus habitués à tenir de tels rythmes aussi longtemps. Je ralentis beaucoup, afin de boucler l'étape dans un état potable. Quelques kilomètres plus loin, alors que je retrouve un semblant de forme après un ravitaillement salvateur, un autre ami, Jérôme Bégon, me rejoint à son tour; nous finirons agréablement l'étape de concert, en discutant et en trottinant encore pas trop mal. Le soleil s'est bien levé et il fait presque chaud lorsque nous descendons, par une sente jolie mais assez étroite sur le GR 48, vers Florac. Il est encore assez tôt, car nous sommes parti à Potron minet et nous avons mis à peine plus de six heures pour boucler l'étape.
L'après-midi passe plutôt vite, entre repas (farandole de pâtes cuites une bonne heure, c'est fameux!), discussions amicales, et même un petit tour, tout de même, dans Florac, à une allure évidemment de flânerie. Il serait dommage de ne pas profiter un peu des rues de cette cité à la fois tranquille et vivante en ce mois de juillet, où règne aussi un petit parfum de bohème et de vie "alternative". On est loin des grands axes, et cela semble aussi attirer certains rêveurs.
Mais la soirée s'avance vite, surtout lorsque l'on dîne à 18 heures (re-farandole de pâtes: fameuse!). Et que du coup, tout le monde tente de trouver le sommeil avant 20 heures. Il faut dire que le réveil est programmé, cette fois, à 2h30... Le week-end n'est décidément pas de tout repos!
Le petit-déjeuner (pas de farandole de pâtes!) est vite expédié. Une heure de bus nous attend, pour nous rendre au Pont de Montvert, où nous partirons directement à l'assaut du Mont Lozère. Je me souviens bien de la descente, effectuée dans l'autre sens, et de notre agréable halte dans ce village pittoresque, au bord du Tarn. Le trajet en bus, sur une route étroite qui oblige le chauffeur à une manoeuvre prudente pour franchir un pont, se résume à une bonne succession de virage entre lesquels chacun replonge plus ou moins dans le sommeil. A l'arrivée, ou au départ selon que l'on considère le trajet en bus ou la course, tout le monde n'a pas l'air bien frais. Mon ami Eric Galéa dort sur ses deux jambes. Pourtant, c'est bien 90 kilomètres qui nous attendent!
Il est 4 heure trente du matin, il fait nuit noire encore, quand nous nous élançons sur le vieux pont. Je suis content que le chemin monte tout de suite. Je ne me sens pas trop de courir aujourd'hui, alors ce départ où tout le monde ou presque marche me va bien. Je sais que pour vraiment courir 90 kilomètres durant, il me faut être plus en forme, plus motivé aussi. Aujourd'hui, la marche rapide m'ira bien.
Je ne vais d'ailleurs courir que lors de la descente du Mont Lozère, ou presque. Il faut dire qu'au sommet, alors que le jour s'est timidement levé, il fait assez froid et le brouillard est presque dense. Aussi, l'envie de traîner là n'est pas immense, et j'emboîte la foulée de mes compagnons pour descendre assez vite. Après, je vais me recaler, plus ou moins aussi parce que ma forme physique n'est pas suffisante pour aller plus vite, sur un rythme proche du "pèlerin express". Je marche vite.
Ce tempo me permet aussi d'apprécier davantage le paysage. Sur une telle distance, j'ai aussi du mal à n'être concentré, et concerné, que par mon effort. Il faut que je m'en échappe, et trop d'intensité m'y condamne. Tant pis pour le classement ou la performance.
Les beaux chemins de Stevenson (nous empruntons un peu plus le GR70 aujourd'hui, mais pas uniquement) valent bien cette contemplation active. Nous avons à présent quitté les montagnes pour la forêt et les plateaux. C'est plus roulant, mais de bonnes petites grimpettes sont encore présentes. Les points de ravitaillements sont installés dans de beaux villages, et même dans un château fort au 61e kilomètre. Je marche seul la plupart du temps, mais d'autres concurrents m'accompagnent parfois: René, un ultra fondeur breton déjà rencontré au Maroc, et un coureur de Martigues partagent avec moi de nombreux kilomètres. C'est avec eux que je vais effectuer les trente derniers kilomètres. C'est surtout à travers des pistes forestières, ponctuées de bonnes descentes et dans un environnement agréable, que nous courons alors. La pluie fait une courte apparition, mais la météo est avec nous aujourd'hui. Nous croisons notre premier âne, un descendant de Modestine.
Grand trail Stevenson: retour chez Modestine!
Photo: S;Bazin.
Il est dix-huit heure quand nous arrivons au bout de ces 90 kilomètres, à Langogne. 13h09 d'effort, ce n'est d'ailleurs pas si mal en marchant presque tout le long. Néanmoins, je suis bien fatigué, et après avoir tenté d'avaler un peu de cette fameuse farandole de pâtes, et discuté agréablement avec mes compagnons, je m'affale pour la nuit dans le gymnase local. J'ai déniché un tapis de saut plus que moelleux et le réveil demain n'est pas prévu avant 6h30. Une vraie bonne nuit, presque confortable, m'attend. Je m'endors vite et n'entends même pas le feu d'artifice local ni les éventuels échos de la finale de la coupe du monde.
Le lendemain, l'ambiance du peloton est plus détendue. D'autres concurrents nous ont rejoints, certaines bénévoles courent aussi. 24 kilomètres, c'est presque les vacances. Le lever à une heure plus humaine après une nuit presque bonne fait du bien. Il a plu cette nuit, mais le temps est décidément avec nous. Le beau village d'Ussel nous accueille, nous partons au son de l'accordéon.
Après n'avoir pratiquement que marché hier, et malgré un tendon un peu souffreteux, je peux courir aujourd'hui. Certes pas très vite, mais tout de même assez pour me procurer quelques sensations. 24 kilomètres, c'est court et ludique. Les descentes sont assez techniques, parfois sur des cailloux un peu glissants avec l'humidité. Je m'accroche. Dans la dernière longue montée, je monte un peu en intensité pour boucler cette troisième étape sur une bonne note. J'ai presque été sur mes deux pattes 24 heures(23h13) durant pour boucler ces 173 kilomètres. Sur cette distance, le vainqueur, Jean-Michel Terme, a mis un peu plus de 17 h.
Grand trail Stevenson: retour chez Modestine!
Une bonne douche, un repas où l'on peut enfin oublier la farandole de pâtes (fameuse, mais...) et une remise des prix à l'image de la course, simple et amicale, clôtureront agréablement cet événement qui garde une atmosphère de convivialité et de défi pur, un goût de pionniers. J'espère qu'il en subsistera d'autres dans cet esprit encore longtemps.
J'ai certes eu, car cela reste une course et que les distances accomplies étaient tout de même plus que longues, l'impression de moins profiter du chemin que lors de ma balade amicale. Mais tout de même, on reste dans l'ambiance du Stevenson, même si bien sûr, l'aspect compétitif et le gros défi qu'il implique ne peut permettre une vadrouille tranquille; on vient donc aussi pour autre chose. Cet aspect pourrait sans doute même être amélioré: logements en gîtes, nourriture plus locale et typique, cela m'a manqué un peu. Même si l'intensité de la course, élevée, impose peut-être de moins "apprécier" l'ambiance du chemin et de ses à côtés, on pourrait peut-être y être davantage plongé. Néanmoins ce Grand Trail Stevenson possède vraiment son charme et fait vraiment bien découvrir cette belle région, un peu méconnue mais du coup, si bien préservée!
Lisez aussi mon artice sur Wider mag:
http://www.widermag.com/news-grand-trail-stevenson-courir-entre-nature-litterature

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sylvainbazin 13085 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines