Le Tour de France ne fait plus rêver, comme jadis. Tout y est écrit à l’avance, comme un scénario quotidien immuable : échappée de quelques mal classés afin de montrer le maillot, puis retour du peloton dans les derniers kilomètres pour un final endiablé avec souvent des chutes en pagaille du fait de la prolifération des ronds-points et autres obstacles artificiels. Du fait aussi que ceux qui ont longtemps roulé à l’arrière veulent repasser devant !
Parfois, quelques opportunistes ou heureux privilégiés réussissent à passer entre les mailles du filet. Comme Blel Khadri à Gérardmer et Toni Martin à Mulhouse. Mais cette année encore ce sont surtout les incidents de course qui sont au premier plan, avec de la grosse casse et l’abandon forcé de quelques unes des vedettes du moment : Cavendish à Harrogate, Andy Schleck à Londres, Froome sur la route d’Arenberg/Porte du Hainaut, Mathias Frank vers Nancy et maintenant Contador dans les Vosges.
Le Tour décapité ! La course privée de ses deux principales têtes d’affiche. Un coup dur, certes, mais un Tour peut-être relancé et plus ouvert que jamais. A moins qu’il ne soit déjà fini tant l’ascendant de Nibali sur l’opposition paraît évidente après son nouveau coup de force sur les pentes de La Planche des Belles Filles. Plus que jamais le poids de la course est sur les épaules des coureurs d’Astana, déjà bien sollicités depuis que le Sicilien a pris le pouvoir du côté de Sheffield et l’a ensuite consolidé sur les pavés du Nord.
Avec cette situation inattendue, c’est un nouveau Tour qui commence. Nibali résistera-t-il à Porte, Valverde, Van Garderen et compagnie ? Rien n’est fait, rien n’est joué car la chute guette n’importe qui et à tout moment ! Aux Français d’en profiter. Cette édition 2014 est la grande chance de Thibaut Pinot et Romain Bardet, moins celle de Rolland qui a montré ses limites actuelles après s’être dépouillé sur le Tour d’Italie (4ème). Mais c’est aussi la grande chance de tous ceux qui n’en auraient pas eu si les deux grands favoris étaient toujours là !
Il reste onze étapes dont cinq de montagne (quatre arrivées en altitude) avant le long chrono final (Bergerac-Périgueux, 54 km). De quoi nourrir de nouvelles ambitions chez ceux qui les avaient perdues. Il n’est pas impossible que Valverde et ses Movistar lancent une offensive un jour ou l’autre ; que les Sky s’y mettent aussi pour replacer Porte et Gerrain Thomas ; que Pinot et Bardet comptent sur leurs potes pour déstabiliser Nibali. Avec Froome et Contador, tout eût été différent. Sans eux, Nibali et les Astana vont devoir assumer une lourde charge de travail, d’autant plus que le champion d’Italie sait qu’il doit se donner deux bonnes minutes d’avance supplémentaires sur Porte pour espérer inscrire son nom au palmarès de cette 101ème édition. Pour lui aussi, c’est la grande chance de sa carrière mais il faudra y mettre le prix.
Bertrand Duboux