Taxi Brooklyn est une nouvelle série franco-américaine qui a été diffusée en mars sur les ondes de La Deux en Belgique, en avril sur TF1 en France et depuis la fin juin sur NBC aux États-Unis. L’action se déroule bien entendu à New York alors que la détective Caytlin Sullivan (Chyler Leigh) est responsable d’un accident de voiture et que ses supérieurs décident de révoquer temporairement son permis de conduire. C’est alors qu’elle rencontre un chauffeur de taxi, Leo Romba (Jacky Ido) qui la secondera involontairement dans ses enquêtes. Inspiré du film Taxi de Luc Besson (1998) et d’un très quelconque remake américain en 2004, Taxi Brooklyn se veut un mélange de comédie et de policier qui laisse plutôt indifférent. Les enquêtes sont pour le moins simplistes et plusieurs incongruités donnent l’impression d’un travail bâclé. Coproduction entre deux pays très distincts quant à la création, on se demande encore ce que la série a de français si ce n’est du personnage principal.
L’essence ne coûte pas cher
Caytlin est une jeune policière étonnamment aigrie pour son jeune âge. C’est qu’il y a peu de temps, elle a divorcé de Gregg James (Bill Heck), un agent spécial de la CIA après qu’il l’ait trompé plus d’une fois. Passer à autre chose et l’oublier est d’autant plus difficile qu’ils doivent plus d’une fois collaborer lors de certaines enquêtes spéciales. De plus, son père a été assassiné il y a quelques années et les auteurs n’ont toujours pas été retrouvés. De son côté, Leo est originaire de Marseille. Alors qu’il était en France, il a pris part à un vol de banque (contre son gré nous assure-t-il) et sa seule option pour sortir de prison a été de dénoncer ses complices. Après avoir été relâché, il a tôt fait de fuir aux États-Unis, mais n’a toujours pas de travail et encore moins un visa. Comme c’est souvent le cas dans les séries policières, ces deux personnages sont aux antipodes. Elle est peu patiente, ne sourit presque pas et comme elle le dit : « I don’t trust anyone ». Quant à lui, c’est un homme minutieux, à l’écoute de ses interlocuteurs et un brin naïf. Inutile de préciser que leur « alliance » porte ses fruits : ensemble, ils épinglent des voleurs de banque et arrêtent les meurtriers du fils d’une richissime femme d’affaires et d’un survivant de l’holocauste. Entre-temps, Caytlin continue à enquêter sur la mort de son père alors que Leo est aux prises avec les services d’immigration qui ont retrouvé sa trace.
On met tellement l’emphase sur le côté comédie que dans tous ces cas, les enquêtes sont hautement prévisibles, voire bâclées, mais ce qui fait défaut dans Taxi Brooklyn est l’improbable association entre Leo et Caytlin. Après leur première collaboration, le chauffeur de taxi lui dit qu’elle n’a qu’à l’appeler en cas de besoin, ce qu’elle fait allègrement. Officiellement, c’est parce que son permis de conduire a été révoqué et qu’elle est incapable de travailler avec un coéquipier policier qu’elle fait appel à ses services (et encore, elle ne le paie même pas). Lui, n’a semble-t-il pas besoin de gagner sa vie puisqu’il passe toutes ses journées auprès d’elle, la conduisant où elle veut (le prix de l’essence à New York doit être très bas…).
À chaque épisode, on tente tant bien que mal de l’intégrer aux enquêtes du jour; qu’il ait connu la victime où grâce à son expertise des rues de la ville. En fait, et pour rester dans l’esprit du film de 1998, tout n’est prétexte qu’à filmer des poursuites en voiture, lesquelles, mis à part la première lors du pilote, n’impressionnent guère. On se passera aussi des scènes absolument ridicules comme lorsque Leo passe la nuit avec la mère de Caytlin, Frankie (Ally Walker), et qu’il sort du lit le lendemain tout habillé ou encore sa claustrophobie peu crédible due à ses années passées en prison en France. Mais on retrouve la pire scène lors du troisième épisode. Caytlin peine à faire parler un suspect et Leo met en pratique une tactique infaillible des policiers marseillais pour remédier à ce mutisme : il se présente dans la salle d’interrogatoire déguisé en prêtre vaudou, ce qui effraie le suspect qui avoue tout…
Collaboration franco-AMÉRICAINE
De moins en moins rares sont les coproductions de séries entre quelques pays. Parmi les meilleures collaborations impliquant le Canada, mentionnons The Tudors (Canada-Irlande), The Borgias (Canada-Irlande-Hongrie), Les piliers de la terre et Un monde sans fin (Canada-Allemagne) et Orphan Black (Canada-États-Unis). Ce type de collaboration se révèle particulièrement avantageux notamment dans les sagas historiques qui requièrent un budget plus important et dont l’action se déroule dans plusieurs pays. Le risque inévitable est qu’elles adoptent un ton trop « international », dénué de spécificités locales ou caractéristiques de leurs pays d’origine.
La diffusion des trois premiers épisodes sur NBC a rassemblé en moyenne 5 millions de téléspectateurs; un score plutôt moyen. En France, elle n’a pas fait mieux et a rassemblé le même nombre sur TF1 pour toute la saison. Force est d’admettre que la chaîne n’a pas beaucoup de chance avec ses coproductions. Avec l’Allemagne, elle a développé en 2013 Crossing lines, qui bien que renouvelée pour une deuxième saison n’a pas eu le succès escompté. Pire encore pour la collaboration avec l’Angleterre, toujours en 2013, pour Jo qui a été annulée après une saison. Que retient-on de ces leçons? Pas grand-chose apparemment puisque Canal+ amorcera dès août le tournage de Versailles, une nouvelle série portant sur Louis XIV et qui bénéficiera d’un budget de 2 millions d’euros par épisode. Seulement, tout le processus de création sera assumé par deux showrunners, un britannique et un américain et le tournage s’effectuera bien entendu en anglais. Dommage que la France, si riche en histoire, laisse les autres la raconter à sa place…