Il est un aspect du festival que j’affectionne tout particulièrement : ce sont les à-côtés des concerts. Les conférences, les répétitions, mais aussi les diverses projections de films proposées en lien avec le festival, en partenariat avec le cinéma Le Gallia. Ce mardi après-midi, à 16 heures, les spectateurs de l’abbaye ont ainsi pu visionner le documentaire Avec Sonia Wieder-Atherton, réalisé en 2013 par Chantal Akerman, et participer à un débat d’après-séance.
Contrairement à d’autres métrages du même type, Avec Sonia Wieder-Atherton ne tente pas de nous faire suivre le quotidien de la musicienne, et encore moins de retracer l’intégralité de sa biographie à coups d’images d’archives : la démarche biographique est ici minimaliste, se limitant à une courte intervention de Mme Wieder-Atherton au début du film. Durant ces quelques minutes, la violoncelliste évoque les origines de sa passion, depuis le piano placé dans la maison de son enfance, jusqu’aux rencontres qui ont participé à construire sa démarche artistique (sa professeure russe Natalia Chakovskaïa, entre autres).
Puis, l’interview laisse la place à une suite de morceaux joués par la protagoniste du documentaire, les auteurs des œuvres en question allant de Monteverdi à Janacek, en passant par Schubert. Que l’artiste soit en duo avec un piano ou en quatuor à cordes, la cinéaste fait le choix de cerner les interprètes dans un cadre parfaitement noir ; ainsi, dès le premier plan-séquence montrant un solo de la violoncelliste, celle-ci est filmée depuis le pas d’une porte, l’embrasure de celle-ci formant le cadre souhaité.
Cette judicieuse mise en scène, relevée dans le débat d’après-séance, permet dès lors de maintenir une certaine distance avec le sujet principal, avec le sentiment de ne pas oser déranger l’interprète, comme si celle-ci se trouvait en pleine prière. A souligner également, le clair-obscur de plus en plus évident au fil des plans, et qui tend à plonger les visages et les instruments dans une noirceur totale.
Malgré l’évidente qualité de la mise en scène et, surtout, des interprétations musicales, je ne peux m’empêcher d’éprouver un sentiment de manque lorsque défilent les crédits. Manque de n’avoir pas pu en apprendre plus sur le rapport qu’entretient la musicienne à son instrument, sur l’idée qu’elle se fait de son art. Un manque dû, évidemment, à des choix effectués par la documentariste, et dont je ne conteste pas la cohérence : tenter de saisir l’essence de la musicienne, et ce uniquement par une mise en scène particulièrement fine.
Mais mon statut de simple profane, que ce soit en musique ou en septième art, m’a tout bonnement privé des clés nécessaires à la compréhension de ce film. En clair, j’ai trouvé cette œuvre difficilement accessible à une certaine frange du public, dont je fais partie : un public non-initié aux subtilités du langage cinématographique. En ce sens, le débat d’après-séance en présence de Sonia Wieder-Atherton a été, par la qualité des interventions et la richesse des réponses apportées par la principale intéressée, un appoint plus qu’appréciable, peut-être même nécessaire.
Mahel Nguimbi