Si vous êtes festivalier, bénévole, musicien ou habitué du festival vous l’avez nécessairement vu, il vient depuis 30 ans. Sinon vous avez dû le croiser à un concert, aux répétitions, au cloitre,… Un petit indice nous avons principalement parlé pellicule et objectif. Rencontre avec un homme intéressant et talentueux qui pour la première fois passe de l’autre côté de l’objectif : Michel Garnier.
Comment en êtes-vous arrivé à faire de la photographie ?
Michel Garnier : C’est un long parcours [rire]. Je n’ai fait aucune école. J’ai toujours eu envie de faire de la photo. Lycéen, je voulais déjà en faire, mais à l’époque il n’y avait pas vraiment d’école. J’étais un bon scientifique, j’ai fait une école d’ingénieur en génie civil. Je suis parti quatre ans en Afrique. J’ai enseigné les maths à mon retour pendant quatre ou cinq ans tout en préparant ma reconversion et au moment où j’ai cru pouvoir en vivre j’ai abandonné l’enseignement. C’est tout à fait en autodidacte.
Il n’y a donc personne en particulier qui vous a donné envie de faire de la photo ?
Pas spécialement. Évidemment, je me demande d’où est venue cette passion puisque je suis issu d’un milieu paysan normand et il n’y a jamais eu de photographe dans ma famille. Je n’ai pas de culture photographique et ce n’est pas un photographe qui m’a transmis cette passion. Je ne sais pas d’où elle vient.
Qu’est-ce qui vous plait dans cet exercice ?
Je dis souvent que je suis plus un témoin qu’un créateur. J’espère qu’il y a de la création et un côté artistique dans mes photos, mais ce que j’aime c’est regarder. Je suis sensible à la lumière, je suis sensible au cadrage.
Quand sait-on qu’il faut prendre la photo ?
C’est la difficulté en musique. Nous sommes dans des conditions de lumière qui ne sont pas faciles, la vitesse est lente, il y a une faible profondeur de champ donc il peut m’arriver parfois d’être 10 minutes derrière mon boitier sans déclencher parce que je ne trouve pas l’attitude que je veux. Dans ces conditions il y a forcément des déchets. Mais un des compliments qui me touche c’est lorsque l’on me dit que mes photos représentent les gens.
Qu’est ce que vous cherchez à transmettre à travers vos photos ?
Ce sont des témoignages de la vie, du paysage. […] Mes photos se sont des instantanées qui échappent souvent à des gens qui sont moins sensibles à cela. C’est également une chose qui me touche lorsque quelqu’un me dit que ce que je photographie pourrait sembler banal lorsque l’on passe à côté. […]
Si vous pouviez choisir une photo ou un concert ?
Ce sont des moments, des rencontres avec des gens. Je suis beaucoup dans l’affectif, peut-être même un peu trop. Je ne supporte pas d’être dans un endroit si je sens que je gêne. J’aime bien avoir des sourires devant moi quand j’arrive. […]Ce sont surtout des rencontres alors je ne pourrais pas vous dire. C’est toujours compliqué de sortir une photo du lot.
Vous avez décidé de publier un livre sur cette édition du festival pourquoi ?
Dans ma passion, qui est devenue mon métier, il y a un domaine qui m’intéresse particulièrement c’est l’édition parce que j’en fais depuis pas mal de temps et c’est là que j’ai l’impression de faire mon travail librement par rapport aux travaux de commande que je réalise. […] J’ai décidé de passer à l’autoédition parce que mes autres livres sortis avec un éditeur, sans doute à cause de la conjoncture actuelle de l’ordre du bénévolat.
J’ai choisi l’autoédition pour mêler l’utile à l’agréable et pour laisser une trace papier de chaque festival que je couvrirais. De plus, il y a la demande. Pendant 20 ans j’exposais mes photos, en tirage papier au moment de l’argentique puis sur des écrans et les gens pouvaient les acheter. Quand j’ai arrêté, j’ai eu plusieurs témoignages de personnes qui me disaient que c’était dommage. Mais comme je ne pouvais plus continuer, je dormais deux à trois heures par nuit pendant 10 jours, j’ai eu l’idée de faire ce livre, afin de laisser une trace papier.
Comment choisit-on les photos pour un album comme celui-ci ?
Le but est que les gens revivent leur festival. Il y aura donc plusieurs critères : de belles photos qui me plaisent, des expressions, des cadrages, des lumières. Mais j’ai d’autres idées de livres où il y aura peut-être des critères plus photographiques. Ce livre reflète lui un panorama large donc le critère photographique même s’il comptera ne sera pas l’unique critère. Cependant, même si le choix sera subjectif, les photos seront pour la majorité des pleines pages il faut donc qu’elles soient belles.
Que préférez-vous photographier dans le festival ?
Un mélange de tout. […] Après il y a des moments privilégiés comme les répétitions parce qu’un concert c’est un peu frustrant. Je suis obligé de rester deux heures dans un coin alors que les répétitions quand les gens me connaissent je peux m’approcher et là j’ai des expressions. J’ai un petit faible pour les violoncellistes parce qu’ils jouent avec leur corps et avec le corps du violoncelle.
Une dernière question. Vous avez beaucoup voyagé, notamment vous avez fait un tour en Afrique en 504 avec votre femme. Est-ce que parfois vous avez envie de reprendre la route pour faire des photos ?
Si je pouvais, je le ferais, mais ma vie ici me passionne suffisamment. Je dis souvent que j’aimerais bien avant de mourir faire un tour du monde si je le pouvais. Mais ça ne me manque pas plus que ça parce qu’avec mon boulot je voyage tellement même à 30 km de Saintes.
Eléonore Terville