"Il n’est pas de bon vent pour qui ne connaît pas son port"
(Sénèque)Cette citation de Sénèque a toujours eu beaucoup de retentissement en moi, tant elle plait au marin et au consultant en organisation que je suis.Elle illustre bien pour moi le fait que le chemin vers un objectif n'est que rarement une ligne droite, et qu'il faut accueillir les aléas sereinement du moment que le but est à peu près défini. Cela équivaut à dire que le but vaut plus que les moyens qu'on emprunte pour l'atteindre, et que toute stratégie est forcément reliée à ce but.J'ai longtemps donné un sens particulier à cette citation que je formulais ainsi jusqu'il y a peu :"les vents et les courants sont toujours contraires pour celui qui ne sait pas où il va".J'ai traité ce sujet en son temps dans l'article suivant : Mes trucs pour gérer mon temps - savoir où je vais Il m'arrive fréquemment de participer à des discussions (souvent avec des stagiaires, durant mes formations) où la notion de port prend rapidement une très grande place : s'agit-il d'un objectif de court terme, opérationnel, ou plutôt de quelque chose relié au sens que l'on donne à sa mission, ou même à sa vie ? Faut-il avoir des buts dans l'existence ? Faut-il se concentrer sur "être" ou sur "faire" ? ... on voit bien que tirer l'écheveau de la réflexion nous amène vers des considérations existentielles dont la prise en compte dépasse de loin le domaine de la formation ou de l'expression sur un blog - libre à chacun de donner le sens qui fait sens pour lui au moment où il pose la question !Comme tout le monde ne partage pas forcément l'expérience du marin, la métaphore maritime trouve assez rapidement ses limites. Mais que nous dit Sénèque ? La fameuse citation est extraite de la correspondance de Sénèque avec un certain Lucilius (lettre 71).
Rendons à Sénèque ce qui est à Sénèque
Je suis retombé il y a peu sur la citation entière. elle dit ceci :« [...] ordonner les parties est impossible quand l’ensemble n’est pas arrêté. Jamais peintre, eût-il ses couleurs toutes prêtes, ne rendra la ressemblance, s’il n’est fixé d’avance sur ce qu’il veut représenter. Nos fautes viennent de ce que nos délibérations embrassent toujours des faits partiels, jamais un plan général de vie. On doit savoir, avant de lancer une flèche, quel but on veut frapper : alors la main règle et mesure la portée du trait. Notre prudence s’égare, faute d’avoir où se diriger. Qui ne sait pas vers quel port il doit tendre n’a pas de vent qui lui soit bon. Comment le hasard n’aurait-il point sur notre vie un pouvoir immense ? Nous vivons au hasard. »A bien lire Sénèque, il semble qu'il évoque autant des buts à visée opérationnelle et de court terme (ce que veut représenter le peintre) que ce qui oriente l'action en général (le plan général de vie).
Conséquences pour l'action
Pour moi, de manière très prosaïque, cela m'inspire deux questions à me poser avant de me lancer dans quelque entreprise que ce soit :- Quel est l'objectif, vers quelle finalité dois-je tendre ? Si je dois quelque chose à quelqu'un : Qui est le client ? Qu'est-ce que veut le client ? - la notion de client est évidemment à comprendre au sens large !
- L'action à entreprendre est-elle compatible avec ma stratégie globale, est-elle écologique et conforme à mes valeurs ? - on évoque souvent le terme de congruence pour évoquer cette recherche de cohérence.