Sarkozy : "les fainéants et les assistés"

Publié le 31 janvier 2007 par Dedalus

Travailler plus, Partager moins


Nicolas Sarkozy a déclaré : "Depuis vingt-cinq ans, on partage le travail et l'on n'a jamais réduit durablement le chômage. Je ferai donc l'inverse en incitant tous ceux qui le souhaitent à travailler plus et en récompensant davantage le travail que l'assistanat. C'est en travaillant plus que nous aurons du travail pour tous."

Cette déclaration a le mérite de la clarté... et elle éclaire en effet puissamment, non seulement les intentions, mais aussi les procédés rhétoriques de Nicolas Sarkozy. Décortiquons ce petit discours :

Tout commence par une double contre-vérité. Tout d'abord, depuis vingt-cinq ans, la droite a été au gouvernement onze années, avec pour premiers ministres MM. Chirac, Balladur, Juppé, Raffarin et Villepin, M. Sarkozy ayant été en particulier Ministre du Budget de M. Balladur en 1993 (il y a 14 ans !), et Ministre de l'Economies, des Finances et de l'Industrie en 2004. Or cette droite là ne s'est en aucun cas préoccupée de "partager le travail". Bien au contraire, elle a appliqué précisément les mêmes recettes que celles que M. Sarkozy nous présentent aujourd'hui comme nouvelles : baisser les charges sociales qui pèsent sur le travail, diminuer les impôts qui pèsent sur le pouvoir d'achat, flexibiliser le travail qui freine l'embauche (et le licenciement !...). Là où il est dans le vrai, c'est que ces mesures, si elles ont en effet permis d'augmenter le pouvoir d'achat des plus aisés et de précariser les salariés les plus fragiles, n'ont en effet jamais permis de réduire le chômage, bien au contraire. En revanche, et c'est le second point, la réduction du temps de travail (39 heures, cinquième semaine de congés payés, puis 35 heures) a, dans l'ensemble, amélioré les conditions de vie des salariés et, qui plus est, créé de l'emploi - massivement en ce qui concerne les 35 heures (ce que nul ne se permet plus guère de contester).

Ensuite, il s'agit donc pour M. Sarkozy d'inciter "tous ceux qui le souhaitent à travailler plus" et de récompenser "davantage le travail que l'assistanat". On est là au coeur du sujet : pour M. Sarkozy, les français se divisent en deux camps, ceux qui travaillent et ceux qui sont assistés, laissant entendre que les quelques millions de français qui n'ont pas d'emploi, et de ce fait ne travaillent pas, seraient majoritairement responsables de leur situation, voire volontaires pour s'y trouver. Il omet volontairement d'évoquer, plutôt que ceux qui souhaitent travailler plus, tous ceux qui souhaiteraient tout simplement travailler, ceux pour qui trouver un emploi est une nécessité - et une souffrance quotidienne de ne pas en trouver. Et à cette souffrance, M. Sarkozy ajoute donc la stigmatisation : ce sont des assistés - laissant en sus supposé que ce serait confortable, qu'il serait possible de vivre bien des aides sociales, qu'il n'est en conséquence pas nécessaire que l'Etat se soucie davantage de leur cas, c'est-à-dire se préoccupe de solidarité. La seule chose qu'il leur dit est : nous allons inciter à travailler plus ceux qui travaillent et ça finira bien par "retomber" sur vous. Mais cela a déjà été fait et l'expérience montre que "ça ne retombe jamais" : c'est une politique économique qui ne permet pas de réduire le chômage, qui en sus et au contraire piétine le principe même de la solidarité nationale.

"Ceux qui le souhaitent..." : M. Sarkozy pense-t-il vraiment que les salariés dans leur grande majorité souhaitent travailler plus, et qu'il leur suffirait de le souhaiter pour qu'on leur accorde ? Mais les salariés souhaitent surtout gagner plus, c'est-à-dire être payé davantage. Augmenter les salaires ? Mais vous n'y pensez pas ! Progresser dans l'entreprise ? Pas la peine d'y compter non plus ! Il ne s'agit que de travailler davantage, faire des heures supplémentaires : mais combien d'entre nous ont déjà vu la moitié d'une heure supplémentaire payée ? et combien d'entre nous ont vu que c'était le salarié qui avait la faculté de demander des heures supplémentaires ? Les heures supplémentaires, M. Sarkozy, elles sont non seulement souhaitées par l'employeur, mais aussi généralement imposées par lui, et qui plus est très exceptionnellement rémunérées. Il est parfaitement aberrant de laisser penser qu'une telle mesure pourrait significativement accroître le pouvoir d'achat des français.

Car elle est bien là la logique à laquelle tente de nous faire croire M. Sarkozy et qui fait l'objet de la dernière phrase de ce petit laïus que nous avons rapporté au début : si les français qui travaillent travaillaient encore plus, leur pouvoir d'achat augmenterait, la consommation serait relancée, des emplois seraient créés et en profiteraient (enfin !) ceux qui ne travaillent pas (les fameux "assistés" que l'on prie de bien vouloir donc que "ça" retombe). C'est évidemment une fumisterie... et c'est en outre précisément ce qui a été mis en place par les gouvernements successifs de M. Raffarin, avec les conséquences que l'on sait, et sur la croissance, et sur le pouvoir d'achat, et sur le chômage.

Que s'est-il donc passé sous M. Villepin ? C'est là encore très instructif : a tout simplement été remis au goût du jour un peu de ce qui avait été cassé précédemment et qui s'appelle la politique des emplois aidés... Moyennant en supplément une politique de radiation massive (le traitement statistique du chômage plutôt que le traitement social), le chômage est alors revenu peu ou prou au niveau où le gouvernement de M. Jospin l'avait lui-même amené. Faut-il réellement applaudir ?

Ainsi, pour conclure, M. Sarkozy reprend à son compte les vieilles recettes libérales de sa famille politique et, non content de vouloir les aggraver, retient essentiellement celles qui donnent les pire résultats. La "rupture tranquile" serait alors tout bêtement de rhabiller le RPR en UMP et nous faire prendre de vieilles vessies pour de rutilantes lanternes ? Alors oui, en effet, c'est plutôt tranquile...

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