Si je vous dis musique contemporaine, avouez, vous aussi ça vous fait un peu peur. C’est pour ça que lorsque l’on m’a dit que j’allais écouter une reprise contemporaine de chants et polyphonies datant du XIe siècle, écrit par Hildegard Vin Bingen, une sœur que l’on pourrait qualifier “d’illuminée”, j’ai eu un gros doute sur ce qui allait ressortir de ce concert.
Et pourtant, je dois l’avouer je n’ai jamais assisté à une prestation aussi surprenante. Il est vrai que ma culture musicale est limitée, mais de ce que j’ai pu entendre à la fin de la prestation je n’étais pas la seule à être de cet avis.
Cela s’est ressenti dès le commencement. Alors que les conversations ne s’étaient toujours pas tues, des voix de femmes se sont élevées du fond de la cathédrale. Puis les regards se sont tournés vers la scène, située au milieu du public, où une chanteuse a entamé un solo. C’était angélique. La puissance qui sortait du corps de cette femme pourtant si fine était impressionnante. Rejointe sur scène par quatre autres femmes, le concert a alors réellement commencé.
Les voix se sont élevées portées par l’acoustique de la cathédrale Saint-Pierre. Pendant une heure, les chants se sont enchaînés. Puis tout s’est arrêté et Zad Moultaka, compositeur de la partie contemporaine, est monté sur scène accompagné d’un tambour ou d’un gong, je ne sais pas trop encore, mais l’instrument était imposant, avec un gros bruit sourd.La chef de choeur a laissé sa place échangeant un dernier regard complice avec ses chanteuses comme depuis le début de leur prestation, et là le concert a changé de dimension. Les voix si unies au début du concert se sont désaccordées, les bruits se sont multipliés, plus durs, plus originaux et en fond une bande sonore a commencé à passer.
Outre le fait que je n’avais jamais vu de Dj dans une église, ce changement est inattendu. L’angélisme a laissé place à envoûtement. Les voix emplissaient la cathédrale. Une atmosphère presque satanique a commencé à se dégager appuyée par les sons lourds du tambour. La puissance des voix s’est intensifiée de plus en plus. Et tout à coup tout s’est arrêté. C’est la fin d’une expérience assez magique qui a duré 1h30.
Et lorsque je me suis dirigée vers les spectateurs pour prendre leur impression, ce sont des mots comme « prenant » « magnifique » « planant » qui sont ressortis. Christophe souligne « l’alliance de la voix et de la technologie ». Martine elle est subjuguée par « le travail des voix » qui semblent venir de « loin dans le temps ». Quant à moi je dois avouer que je ne sais pas trop comment analyser une telle chose. J’ai essayé de retranscrire du mieux que j’ai pu les sensations qui m’avaient traversées pendant le spectacle. En fait tout ce que je peux vous dire de concret, le plus dérangeant a été le projecteur qui m’a aveuglé pendant toute la performance, à l’image des musiciens.
Eléonore Terville