Bayrou ?... Non plus !
On peut être de droite, penser Tout sauf Sarkozy et choisir de voter Bayrou au premier tour.
On peut être de droite, ou pas d'ailleurs, se sentir une forte proximité avec le projet politique de Bayrou et voter pour lui au premier tour.
Mais ce qui me semble une aberration est de se sentir de gauche et d'adopter cette forme nouvelle de vote utile consistant à anticiper sur les résultats du second tour pour voter Bayrou parce qu'il serait le seul en mesure de battre Sarkozy.
Une nouvelle forme de vote utile : Ce qui jusqu'aujourd'hui était nommé vote utile consistait à renoncer à voter au premier tour pour le candidat le plus proche de ses idées au motif qu'il n'aurait aucune chance de figurer au second tour. C'était choisir alors d'exprimer un choix utile afin de favoriser la présence au second tour d'un candidat de "second choix". Il s'agirait donc maintenant, considérant des sondages de second tour, réalisés alors même que le premier ne s'est pas encore déroulé, de se reporter sur un candidat de "troisième choix" afin d'éviter la victoire du "quatrième choix" !?
Où va la démocratie ? Déjà en 2002, nous avions pris la responsabilité de voter à droite au second tour afin d'éviter l'élection du candidat de l'extrême droite. Il nous faudrait donc maintenant voter à droite dès le premier tour afin d'accroître - croit-on savoir [sic...] - les chances d'éviter l'élection de l'autre candidat de la droite... S'il s'agissait la première fois de défendre la démocratie, le bouchon est poussé cette fois si loin que nous ne serions pas loin d'aboutir à l'inverse : un dévoiement de la démocratie, la gauche n'ayant en France d'autre utilité électorale que d'arbitrer entre les candidats de la droite.
La droite a-t-elle des responsabilités ? Il faut battre Sarkozy, nous en sommes d'accord. Mais nous avons deux tours pour y parvenir. Battre Sarkozy dès le premier tour, c'est de la responsabilité de la droite : qu'elle choisisse son candidat, la gauche choisira le sien. C'est bien à cela que sert un premier tour : choisir. Et au second, on élimine : si Sarkozy est encore dans la course, parce que la droite l'aura choisi, la responsabilité de battre Sarkozy se reportera alors sur l'ensemble des français. Tel est le processus démocratique qu'il nous faut respecter.
A chaque tour sa campagne : Il s'agit pour l'heure d'une campagne de premier tour, première étape du processus démocratique et qui a son importance. Il s'agit que les candidats présentent leurs projets et que les électeurs, sur la base de ces projets, et éventuellement des chances respectives des différents candidats d'accéder au second tour, de choisir qui accédera effectivement au second tour. Il est essentiel au débat démocratique que ce premier tour se déroule. Or opter pour un vote pseudo-utile à trois bandes revient à se projeter directement dans le second tour et occulter le premier et les débats qui doivent s'y tenir. C'est se placer dans ce temps médiatique qui digère tout avant même de s'être nourri, au détriment du temps démocratique qui devrait s'imposer à nous, un tour après l'autre.
Les sondages en question : Nous savons maintenant, parce qu'il y a eu le 21 avril, parce qu'il y a eu le referendum sur le Traité Constitutionnel Européen, parce que depuis quelques semaines l'alerte est donnée - voir en particulier le site des sondés menteurs -, nous savons combien il faut de manière générale être méfiant à l'égard des sondages. Nous savons que les mesures des intentions de vote concernant le premier tour, non seulement devraient être regardées avec des marges d'erreurs de 4% en sus et en moins, mais également que les techniques utilisées pour redresser les données sont elles-mêmes plus que douteuses. Nous savons qu'il nous faut prendre les résultats des sondages concernant le premier tour des élections avec beaucoup de prudence et même de suspicion. Nous savons ainsi qu'à l'heure actuelle, il est tout à fait impossible de dire qui de Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Ségolène Royal arriveront en tête.
Nous savons tout cela et pourtant nous irions accorder la moindre crédibilité à des sondages portant sur un second tour avant même que la campagne de premier tour n'aie eu l'occasion d'aller à son terme ? Ce serait tout de même très étrange, et c'est oublier qu'au lendemain même du premier tour, le 23 avril au matin, tout aura été chamboulé, des dynamiques auront été créés, une situation politique nouvelle sera apparue et une nouvelle campagne débutera. Les cartes auront été redistribuées et seuls les sondages qui prendront en compte cette nouvelle situation seront en mesure d'obtenir une quelconque crédibilité.
Les sondages sont aujourd'hui dans l'incapacité de rendre compte d'une réalité politique qui n'existe pas encore. Il serait parfaitement aberrant de déterminer son vote de premier tour sur de telles bases : des mesures concernant une opinion qui ne s'est pas encore formée à propos d'une réalité qui n'existe pas encore. Aberrant et politiquement irresponsable.
La gauche n'a en réalité d'autre solution que de croire en elle-même, c'est-à-dire en sa capacité à mettre Ségolène Royal en situation de battre Nicolas Sarkozy au second tour. Sa seule chance est que cette campagne-là, celle du second tour, aie bien lieu - et il sera temps alors de jeter un rapide coup d'oeil sur les sondages. D'ici là, l'évidence est que ces sondages de second tour n'ont absolument aucune signification... et diffuse doucement l'âcre odeur de la manipulation !
Ne nous y laissons pas prendre. Ce serait une fois de trop...
Bayrou, candidat inutile ? Il reste ceci, cependant. J'ai été de ceux qui, s'emballant sans doute un peu trop, ont crû à l'éventualité de la présence d'un Bayrou au second tour. Non pas en imaginant qu'il passerait devant Ségolène Royal, mais parce que j'avais pensé que la droite finirait par le préférer à Nicolas Sarkozy. Il semble que la droite ne soit pas si responsable, ou ne parvienne pas à réaliser combien Sarkozy est dangereux pour la France. C'est en tout cas ce que semble indiquer les derniers sondages : pour BVA, Bayrou n'obtient plus que 17% des intentions de vote, contre 21% une semaine plus tôt, tandis que dans le même temps IPSOS quotidien lui accorde 18,5% là où il en obtenait 24.
Une telle situation, si elle perdurait et s'amplifiait, aurait pour le moins l'avantage de clarifier un peu les choses en décrédibilisant par avance l'éventualité de la présence au second tour d'un candidat dont on voudrait aujourd'hui nous convaincre qu'il serait un rempart plus crédible que n'en serait celle qui deviendra la candidate de la gauche. Incapable d'atteindre le second tour, il sera plus facile à plus de citoyens de se convaincre que voter Bayrou est tout à fait inutile - sinon pour les électeurs de droite à faire battre Sarkozy dès le premier tour.
Mais la droite sera-t-elle capable d'un tel sursaut, sachant que Bayrou adopte une stratégie contraire en feignant de n'en être point ?
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On parle de : La tentation Bayrou