Sarkozy, candidat génétiquement inéligible

Publié le 06 avril 2007 par Dedalus

Dans le cerveau de Nicolas Sarkozy


Lors d'un entretien avec le philosophe Michel Onfray, Nicolas Sarkozy s'est laissé aller à commettre la déclaration suivante : "J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a mille deux cents ou mille trois cents jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense."

Avant d'aller au fond des choses, il est intéressant de noter cette faculté de Nicolas Sarkozy à enchaîner les mots plus vite qu'il n'est capable de penser, avançant au gré d'amalgames improbables. Ainsi en cinq phrases, il sera passé d'une question qui concerne la pédophilie en tant que pathologie qu'on ne sait soigner au cancer des fumeurs, tout en ayant fait un crochet par le taux de suicide chez les jeunes. Et chacun de ces trois thèmes particulièrement sensibles et complexes aura été traité par Monsieur J'ai-réponse-à-tout-sans-réfléchir en moins d'une phrase et demi et autant de formules lapidaires et définitives. Même accoudé à un comptoir en zinc, on a du mal à faire aussi expéditif. Nuancer son propos, douter une demi-seconde, s'informer ? Vous plaisantez ! Qui a le temps pour de telles fadaises ?

Et puis encore, avant de commenter cette prise de position particulièrement révélatrice, il faut ici également se souvenir de ce projet de plan de prévention de la délinquance élaboré par le même Nicolas Sarkozy qui prônait, notamment, une détection très précoce des « troubles comportementaux » chez l’enfant, censés annoncer un parcours vers la délinquance - lire à ce sujet : pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans.

Ainsi donc, le déterminisme génétique - on naît pédophile, on naît délinquant, on naît adolescent suicidaire... - est le credo de M. Sarkozy, reprenant de fait à son compte des théories extrêmement minoritaires et violemment contestés de quelques scientifiques d'extrême-droite pour lesquels la science est davantage un outil de propagande qu'on peut tordre à la convenance de ses idées, plutôt qu'une aspiration à élucider et à comprendre un peu l'Homme et son Univers.

Le généticien Axel Kahn a dénoncé, dans une tribune publiée par Marianne les propos du candidat UMP : "La vision d'un gène commandant un comportement complexe tel que ceux conduisant à l'agressivité, à la violence, à la délinquance, à la dépression profonde avec dérive suicidaire, est ridicule et fausse". Pour M. Kahn, "cette conviction réaffirmée par le candidat de l'UMP à l'Elysée confirme ses liens idéologiques avec la nouvelle droite".

Oui, il s'agit bien d'idéologie, une manière de concevoir le monde et donc l'action politique. Quelle place en effet accorder à des politiques de prévention dans un monde où le déterminisme génétique nous surpasse ? Dans un tel monde, il suffit de dépister puis de réprimer, afin d'empêcher de nuire ceux qui sont prédestinés à nuire. Inutile non plus, dans un tel monde, de s'interroger sur les origines de la délinquance, d'y chercher des causes exogènes, sociales par exemple, puisque qu'il y a ceux qui ont en eux la délinquance et les autres, et qu'il s'agit d'empêcher les premiers de nuire au second. Et l'on comprend alors cette obsession du candidat de l'UMP a catégoriser les français en deux camps qui s'affrontent, les uns, déviants, menaçant la tranquillité des autres, les honnêtes gens. Il suffit d'être ferme et d'enfermer les uns pour protéger les autres. Car s'il y a un déterminisme génétique de la délinquance, inutile d'une part de chercher à empêcher un enfant de sombrer dans la délinquance, inutile d'autre part de chercher à l'en sortir une fois qu'il a sombré : ni prévention, ni réhabilitation. Il ne suffit que de réprimer.

Oui, c'est une idéologie, car ce raisonnement qui s'applique ainsi à la délinquance lorsque l'on est ministre de l'Intérieur, il peut s'appliquer bien plus généralement si l'on devient président de la République. Il y aurait donc le gène de la pédophilie, le gène de l'adolescent suicidaire, le gène du cancéreux. Mais certainement aussi bien le gène de celui qui ne veut pas travailler plus. Et le gène de celui qui préfère vivre de l'assistanat quitte à coucher dehors. Et le gène de l'immoralité gauchiste qui place celui qui en est "atteint" du côté des fraudeurs. Et le gène du démagogue outrageusement avide de pouvoir... ha non, je ne sais pas s'il existe celui-là.

Et d'ailleurs, puisque l'on transmet ses gènes, il est bien normal de transmettre en exonération d'impôts l'ensemble du patrimoine que le gène du mérite vous a permis d'acquérir... puisqu'il faut récompenser le mérite, c'est-à-dire son gène que l'on aura sans aucun doute préalablement transmis à ses enfants, qui de ce fait sont méritants avant de s'être même levé tôt le matin et d'avoir travaillé un peu.

Oui, M. Kahn, le mot est juste, tout ceci est tout à fait "ridicule". Ce serait même tout à fait risible, si l'inculture crasse qui préside à cette terrifiante idéologie du déterminisme génétique n'était l'apanage d'un très sérieux candidat aux prochaines élections présidentielles françaises. Si au moins l'on pouvait miser sur un gène de la défaite électorale dont Nicolas Sarkozy serait "infecté"...



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