La garconniere

d'Hélène Grémillon
Roman - 350 pages
Editions Flammarion - septembre 2013

Buenos-Aires, années 80. Lisandra est retrouvée morte défenestrée, et son mari psychanalyste, Vittorio, est accusé du meurtre. Mais Eva Maria mène l'enquête. Ancienne patiente de Vittorio, elle se rend au parloir de la prison pour l'interroger, puis elle s'intéresse à l'entourage de Lisandra et Vittorio, via les enregistrements sur cassettes des séances de psychanalyse. Lisandra avait peut-être un amant, elle était peut-être éperdument jalouse de son mari, elle a peut-être été au coeur d'un règlement de compte entre protagonistes de la dictature argentine... Eva Maria est obsédée par ce drame, comme elle est obsédée par la mort de sa propre fille et son aversion pour la junte militaire.

La lecture de ce roman a été une véritable surprise et un réel plaisir. Le suspense est mené de main de maître d'un bout à l'autre du roman, les recherches et les questions d'Eva Maria nous entraînent sur des pistes puis d'autres, crédibles, appuyées. Et c'est toute la psychologie d'une femme qui apparaît en filigrane, nous entraînant dans les méandres des rapports humains, conjugaux, sexuels.

Extrait :"Les souvenirs sont libres. Il se jouent de nous. Ils s'amenuisent, ils se dilatent, ils se rétractent, ils nous évitent ou ils nous foudroient. Une fois engendrés par la vie, ils en deviennent les maîtres. Ce sont les petits soldats du temps avec lesquels il nous rend fous. Sans souvenirs, nous serions des hommes libres. La mémoire est une mauvaise fée du temps. Les souvenirs en sont les forces obscures. Aucun souvenir n'apporte la joie réelle, la sérénité. Regrets, remords, les souvenirs sont des tas de petites cloches discordantes qui vibrent en nous. Et plus la vie passe, et plus la petite musique des souvenirs dissonne. On croit être soi, mais on n'est rien d'autre que ses souvenirs."

Cette analyse psychologique aurait pu avoir lieu ailleurs qu'en Argentine. Mais il y a, dans ce personnage témoin d'Eva Maria la lourde empreinte de la dictature, et dans la construction du roman comme une musique lancinante et envoûtante aux allures de tango, sensuelle et blessée.
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