Devant un centre commercial de Sarajevo, deux écrans géants avaient été installés pour diffuser les matchs
de la Coupe du monde.
Au départ de Paris, j'ai fait une escale à Zagreb, dans un tout petit aéroport, où j'ai pris mon avion pour Sarajevo. Dans la capitale de Bosnie, l'aéroport est tout aussi petit. Et quand on arrive à 22 h 50, il n'y a pas tellement d'action. Les douaniers estampillent les passeports sans esquisser le moindre sourire. Tout ce qu'ils veulent, c'est quitter pour la maison.
Mon chauffeur de taxi était bien heureux de m'avoir comme client. C'était son dernier voyage de la soirée. Dans les rues, sur le chemin vers l'auberge de jeunesse, on croisait de nombreuses voitures arborant le drapeau de la Bosnie. Déjà, c'était la célébration. On attendait avec impatience le match de Coupe du monde qui devait s'amorcer à minuit, heure locale.
À l'auberge, justement, pas un bruit, pas un chat. Seulement l'employé sacrifié qui devrait se taper le match de foot dans la cuisine de l'endroit pendant que toute la ville trimbalerait sa passion dans les rues.
Pour moi, pauvre inculte du ballon rond, juste le temps de prendre une douche pour rafraîchir mon décalage horaire et je piétinais le pavé de la vieille ville.
Il faut s'entendre, la Bosnie n'avait que très peu de chances de passer le premier tour de la Coupe du monde. Mais ce soir-là, à leur deuxième match de toute l'histoire de l'événement, ils affrontaient le Nigéria. Une équipe prenable, paraît-il.
Au premier coin de rue, une ruelle qui constitue une énorme terrasse pour tous les bars situés de chaque côté, est remplie d'écrans diffusant le match. Difficile d'apercevoir un siège inoccupé, alors que tous encouragent l'équipe locale.
Même scénario tout au long de la principale rue piétonnière. Les terrasses sont remplies de partisans, tantôt couverts du drapeau national, tantôt portant un chapeau de tissu aux couleurs de la Bosnie.
Plus loin, une voiture de police bloquait la route pour permettre aux fêtards de regarder le match sur l'un des deux écrans géants installés devant un imposant centre commercial. La foule débordait de tous les côtés. Même sur la pointe des pieds, on ne voyait pas grand-chose.
Avec comme meilleure vue le dos d'un étranger devant moi, j'ai entendu la masse s'énerver. Cris! Traduction : la Bosnie venait de marquer. Les feux d'artifice ont aussitôt été lancés. Bon, peut-être que je m'emporte. Il s'agissait de pétards lumineux rouges...
Mais la célébration a été de courte durée. D'abord, le but a été refusé. Hors-jeu. Ou une autre règle qui ne faisait pas l'affaire de la foule. Ensuite, parce que le Nigéria n'a mis que quelques minutes pour marquer son premier et seul but, ce qui serait suffisant pour leur permettre de l'emporter.
Gagne ou perd, la Bosnie avait déjà accompli beaucoup en participant à la Coupe du monde. Et les Bosniaques l'avaient compris. Ils ont célébré jusqu'aux petites heures du matin, pendant que moi, je rentrais me coucher avec me décalage.