Johann Hermann Schein à cheval entre l’Allemagne et l’Italie

Publié le 11 juillet 2014 par Abbaye Aux Dames, La Cité Musicale De Saintes @Abbayeauxdames

O Herr, ich bin dein Knecht“, “Ô Seigneur, je suis ton serviteur” : ce premier vers du recueil de Johann Hermann Schein, Israelbrünnlein (“les fontaines d’Israël»), met en valeur la spiritualité qui domine l’ensemble de l’œuvre. Hélène Décis-Lartigau, qui tenait une conférence sur le sujet ce vendredi 11, a fait partager son analyse de quelques vers de ce recueil, le tout en faisant preuve d’un remarquable esprit de vulgarisation.

Le compositeur allemand Johann Hermann Schein (1586-1630), peu connu même dans le milieu musical (Hélène Décis-Lartigau n’en a elle-même jamais entendu parler durant ses études en musicologie), est pourtant l’ancêtre sur le plan artistique de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), avec qui il partage divers points commun : à commencer par son attachement la terre, à une époque où tous les intellectuels européens ont pour habitude de parcourir le continent et de découvrir l’Italie. Schein n’a quasiment jamais quitté sa terre natale d’Allemagne centrale, ravagée du vivant de l’auteur par la guerre de Trente Ans (1618-1648) ; sa musique est ainsi marquée par le traumatisme du conflit et le deuil, tout comme le sera le répertoire de Bach.

De même, les deux artistes partagent la même foi protestante, Schein étant considéré comme le premier grand compositeur du luthéranisme. Sa santé fragile (mort à seulement 44 ans, il était atteint de goutte, de scorbut et de tuberculose) a également largement influencé son œuvre.

Une particularité majeure de Schein est de faire partie des premiers compositeurs baroques, de ceux qui ont su faire la synthèse entre musique ancienne, polyphonique, et la mode italienne du madrigal. Ainsi, l’effectif nécessaire pour interpréter Les fontaines d’Israël est extrêmement réduit et se résume à seulement deux sopranos, une alto, un ténor, une basse et une basse continue, sur le modèle du madrigal.

Schein fait le choix de textes quasiment tous issus de l’Ancien Testament (Genèse, Ecclésiaste…) et met en avant l’idée d’un Dieu terrible qui met les hommes à l’épreuve, tout en demeurant bienveillant à leur égard. La rhétorique de toute l’œuvre est ainsi fondée sur le contraste entre le sentiment de deuil d’une époque et l’espoir apporté par la foi. Cette esthétique du contraste, que l’on peut rapprocher du clair-obscur des peintures du Caravage (1571-1610), passe notamment par des brisures nettes du rythme, l’utilisation de l’échelle chromatique (dont les degrés sont séparés par des demi-tons, et non des tons), ou encore le changement de nombre de voix.

Mais qu’on ne se laisse pas impressionner par l’intellectualisme déployé dans l’œuvre de Schein : sans chercher un instant à en décoder toute la construction, le spectateur se laissera aisément emporter par la simple beauté qui émane de sa musique.

Maël Nguimbi