Dans l’article précédent, j’ai dressé un constat un peu pessimiste de l’autoédition et de ses perspectives d’avenir. Cependant, cette situation morose n’est pas une fatalité puisque l’autoédition est encore jeune et elle peut se révolutionner et se transformer. Comment ?
Les services dont les autoédités ont besoin
Tout d’abord par l’émergence d’acteurs qui puissent accompagner les auteurs dans les domaines suivants :
- marketing et communication : combien de fois n’ai-je insisté sur ce point ? On a beau avoir écrit un chef-d’œuvre, si on ne fait pas de communication sur son livre et si on ne porte aucun effort marketing, personne ne le lira. En revanche, je reconnais volontiers que l’exercice est non seulement difficile et très compliqué à porter à une grande échelle.
- relecture / conseils d’écriture : les livres autoédités sont généralement mal écrits. La forme (orthographe, répétition, style etc.) n’est pas au rendez-vous et l’histoire trop souvent banale, sans originalité, avec des personnages pas assez travaillés. Proposer des services de relecture et de conseils peut aider de nombreux auteurs autoédités à rendre leurs écrits de meilleure qualité.
- aide technique : travailler sous Word, réaliser une couverture adaptée à un ebook, produire un epub, convertir des fichiers en de multiples formats peut être complexe, surtout si l’on a aucune expérience dans le domaine informatique.
À l’heure actuelle, je ne connais que l’entreprise Bookelis qui propose de tels services. Je n’ai jamais fait appel à eux et ignore tout de leurs clients et chiffre d’affaires mais leur apparition sur le marché est intéressante et je souhaite que cette société réussisse car elle répond selon moi à un vrai besoin. De même, l’auteur autoédité David D. Forrest a lancé un service de création de couvertures (voir son site ici) qui semble très professionnel et tout à fait adapté aux besoins des auteurs.
« L’ère du numérique et le développement de l’autoédition ont cassé le monopole de la diffusion des livres détenu par les maisons d’édition traditionnelles »
Les maisons d’édition 100% numérique pour sauver les auteurs autoédités ?
L’émergence de maisons d’éditions numériques est également un phénomène intéressant. Alors certes, il ne s’agit plus littéralement d’autoédition mais ces maisons d’édition numérique peuvent attirer de nombreux auteurs autoédités, en réalisant pour eux les tâches décrites précédemment. Il serait très intéressant et profitable qu’une maison d’édition numérique devienne suffisamment importante pour concurrencer les maisons d’édition traditionnelles qui sont trop frileuses à l’égard du numérique et qui pratiquent des prix prohibitifs. Reste à trouver un business model adapté pour ces maisons d’édition 100% numérique.
L’une des plus belles conséquences de cette transformation de l’autoédition serait la publication par un auteur autoédité (ou par une maison d’édition numérique) d’un livre reconnu pour sa qualité littéraire : je ne parle pas d’un simple best-seller mais d’un livre acclamé par les lecteurs, voire qui sait, par quelques critiques littéraires ou journalistes. Le jour où cela arrivera (si ce jour arrive !), l’autoédition aura franchi un très grand pas et pourra commencer à rivaliser avec les maisons d’édition traditionnelles.
Réinventer le métier d’éditeur
On s’aperçoit que pour progresser et se développer, l’autoédition a besoin de réinventer le métier d’éditeur. En proposant des services à la carte, en laissant une plus grande liberté aux auteurs, de nouveaux acteurs peuvent émerger et contribuer au renouvellement que je souhaite. L’ère du numérique et le développement de l’autoédition ont cassé le monopole de la diffusion des livres détenu par les maisons d’édition. Désormais, un auteur a le choix, il peut choisir entre plusieurs formes d’édition, selon ses aspirations, ses objectifs, son envie… On parle par exemple d‘hybrid author aux États-Unis. À condition évidemment que l’alternative à l’édition traditionnelle soit suffisamment mature et développée : l’enjeu est qu’à terme, l’autoédition puisse être une alternative crédible à l’édition traditionnelle.
« L’enjeu est qu’à terme, l’autoédition puisse être une alternative crédible à l’édition traditionnelle »
Au final, l’autoédition est un phénomène très intéressant car elle force le secteur de l’édition (qui n’a guère évolué en plusieurs décennies) à se renouveler. Les maisons d’édition ne vont pas disparaître, loin de là. Les meilleures ressortiront renforcées de la mutation du numérique. Cette redistribution des cartes, avec l’apparition de nouveaux acteurs et la transformation des maisons d’édition, pourrait faire baisser les prix des livres (au grand plaisir des lecteurs) et donner davantage de liberté et de pouvoir aux auteurs (et, qui sait, davantage de revenus). Le chemin est encore long et je crains que les blocages spécifiques à la France comme la loi sur le prix unique du livre, la loi « anti-Amazon » et les méfiances culturelles à l’égard de l’autoédition (voir mon article Pourquoi l’autoédition ne décolle pas en France ? à ce sujet) soient encore puissants.
Cependant, on peut véritablement s’acheminer vers un modèle de l’autoédition mature, avec des acteurs importants qui puissent accompagner les auteurs. Ces derniers auraient alors toutes les chances de leurs côtés pour s’affirmer et proposer des ouvrages qui se liraient et qui seraient peut-être même reconnus pour leurs qualités littéraires.
Trop beau pour être vrai ? L’avenir nous le dira.