J’ai perdu une patiente…

Publié le 11 juillet 2014 par Journalmd @journalmd

Il y a des pertes qui vous touchent plus que d’autres. Des morts qui sont comme des délivrances, qui devraient vous soulager et en fait, vous torturent… Des « si » qui resteront pour toujours sans réponse.

Il y a des gens dont la vie n’est qu’une succession de drames, de douleurs, de peines, de difficultés. Des gens dont la maladie ne sera qu’une lente descente aux enfers, une interminable agonie. Votre rôle sera d’être là, de regarder, d’accompagner et pourtant vous essayez de mettre en garde, de donner des conseils, de prévenir. Mais vous n’êtes que l’infirmière à domicile, celle qui sait « moins », qui compte moins. Moins que les oncologues, moins que les infirmières de l’hôpital, moins que les anciennes malades. Je ne sais pas mentir, je ne sais plus mentir à mes patients, depuis longtemps déjà… Et j’en veux de plus en plus à ceux qui le font, à ceux qui appuient pour l’acceptation de la chimio de trop, qui fuient quand c’est la catastrophe. Je leur en veux de ne pas donner un vrai choix de vie, un vrai choix de fin de vie. Je suis celle qui parle de la douleur, du confort, des papiers, de la famille, du désir de mourir à la maison, de revoir sa maison une dernière fois, de rapatriement du corps.

J’ai perdu une patiente mais je ne suis pas censée avoir de la peine, je dois juste continuer encore et encore. Je dois répondre aux incessantes questions, avoir un avis sur tout. Bref, je dois savoir tout de suite et maintenant ! Alors hier, j’étais fatiguée, j’avais mal partout et j’ai encore dû subir un afflux de questions. J’ai alors simplement répondu que je ne savais pas, que j’étais fatiguée et en « mode pilotage automatique ». Ma réponse n’a pas forcément plu au patient mais il ne s’est pas soucié pour autant de ma fatigue… Grâce à la méditation et à la supervision, je remplace l’image de l’infirmière parfaite par celle que je suis tout simplement. Cela m’aide à travailler, à avancer, à me détacher. Ma fatigue est physique, pas psychologique. Du coup, je me remets sur pieds plus rapidement et plus facilement.

Cet article J’ai perdu une patiente… a ete ecrit sur Le journal d'une mère... débordée !.

Autres articles :