Zéno Bianu publie Visions de Bob Dylan aux éditions Le Castor Astral.
1961
le rideau de fer découpe la vieille Europe
Patrice Lumumba est assassiné
Youri Gagarine s’envole dans l’intersidéral
Rudolf Noureev saute
par-dessus les barrières de la douane
Liz Taylor reçoit l’Oscar
il est temps de marquer ton territoire
avec les vingt-cinq pistes du miraculeux
Minnesota Hotel Tape
bonjour les humains
quel temps fait-il dehors
je ne peux exister dans un monde qui consent
écrivait Gregory Corso en 1958 dans
Bombe
poème-calligramme
en forme de champignon atomique
que tu as longuement médité
parce qu’il saisissait au plus vif
le pouls terrible du temps
mais rien n’a bougé
tu peux dormir intranquille
les Maîtres de la Guerre
continuent de pétrifier les cœurs
les rythmes de l’âme
tu les as découverts très tôt
avec les sourciers de la pulsation
Gene Vincent Little Richard Buddy Holly
Vision Sensation Révélation
ceux-là t’ont permis
d’entrer dans le royaume
de pénétrer dans le Grand Rêve
un rythme qui rompt toutes les digues
un rythme d’avant la confusion des langues
tendre et rugueux
plus riche en matins bleus
Cette sueur d’écorce
il faut que tu la sentes dans le phrasé des mots
c’est Billie Holiday et ses fruits étranges
aux chatoiements d’épouvante
c’est Odetta
que tu écoutes en 1958
un shoot d’âme pure
descendu des nuées
c’est Janis Joplin
réinventant dès 1962
Saint James Infirmary
en bouffées de bleu ocre
Newport
25 juillet 1965
tes mots ont atteint soudain
une telle teneur en poésie
qu’il t’a fallu les électrifier
frêle enfant aux cheveux bouclés
ses boucles azurées lui scintillent entre les yeux
aurait dit Lorca
frêle enfant d’Abraham hué par la foule obtuse
toujours la même
celle qui ne saura jamais rien
de tes émeutes de velours
[...]
Zéno Bianu, Visions de Bob Dylan, Le Castor Astral, 2014, pp. 23-27
Zéno Bianu dans Poezibao :
bio-bibliographie, lecture aux Parvis poétiques, extrait 1, Pour Elvin Jones (parution), Chet Baker (parution), Variations Daumal (parution), ext. 2, Le désespoir n’existe pas (A. Emaz), ext. 3