Les parasites du paludisme – leurs gamétocytes- pourraient se développer à l’intérieur de la moelle osseuse et échapper ainsi aux défenses de l’organisme, avant de « repartir » chez les moustiques, révèle cette recherche américaine d’instituts prestigieux. C’est le décryptage d’une étape clé, présenté dans la revue Science Translational Medicine, et qui pourrait conduire à de nouveaux traitements permettant de réduire le nombre de moustiques infectés et diminuer ainsi le nombre de cas de paludisme.
Les chercheurs de la Harvard School of Public Health, de la Liverpool School of Tropical Medicine, de l’University Of Malawi College Of Medicine et du Brigham and Women’s Hospital ont travaillé à partir d’échantillons de tissus provenant de l’autopsie des enfants décédés du paludisme. Ils montrent que que la maturation sexuelle des parasites est susceptible de s’effectuer dans la moelle osseuse, mais à l’extérieur des vaisseaux sanguins, et contribuent ainsi à expliquer pourquoi le système immunitaire est incapable de s’ » en débarrasser ». Car les anticorps qui combattent l’infection ne sont pas en mesure de cibler les tissus de la moelle osseuse.
Le cycle de vie du parasite repose sur les moustiques et …les humains. Quand un moustique pique un humain, il injecte des sporozoïtes qui se déplacent vers le foie. Ces sporozoïtes deviennent des schizontes dans le foie qui libèrent mérozoïtes dans le sang, qui eux-mêmes se divisent et se multiplient de façon asexuée en se collant aux parois des petits vaisseaux sanguins. C’est ce processus qui provoque les symptômes du paludisme comme les frissons et la fièvre. Cependant, pour poursuivre leur cycle de vie, les mérozoïtes doivent atteindre une maturité sexuelle pour devenir des gamétocytes. Ces gamétocytes mâles et femelles, une fois arrivés à maturation, ingérés par les moustiques vont se répliquer dans le moustique et entrainer de nouveaux cas. Mais la maturation des gamétocytes qui prend 6 à 8 jours, s’effectue bien dans les tissus humains.
Cette étude a justement examiné l’évolution de gamétocytes immatures dans des tissus humains infectés pour mieux comprendre cette étape de maturation. Les chercheurs ont d’abord utilisé des anticorps pour identifier le parasite et détecter les gamétocytes dans les tissus provenant de 8 organes et de graisse sous-cutanée. Le niveau de gamétocytes a été mesuré dans chaque organe. Puis les chercheurs ont examiné des prélèvements de moelle osseuse venant de 30 autopsies.
Les 6 premières autopsies révèlent que,
· la rate, le cerveau, le cœur et l’intestin présentent la plus forte concentration en parasites,
· la rate, le cerveau, l’intestin et la moelle osseuse présentent des niveaux élevés de gamétocytes,
· la proportion de gamétocytes est significativement plus élevée que la proportion de parasites dans la moelle osseuse (44,9%), vs dans l’intestin (12,4%), le cerveau (4,8%) et les autres organes,
· l’activité du gène de gamétocytes est plus élevée dans la moelle osseuse.
30 autopsies de moelle osseuse révèlent que,
· les jeunes gamétocytes ne collent pas aux vaisseaux sanguins comme c’est le cas dans la reproduction asexuée des mérozoïtes; ils sont localisés à l’extérieur des vaisseaux sanguins dans la moelle osseuse.
· les gamétocytes immatures semblent se développer à l’intérieur de jeunes globules rouges : D’autres expériences de laboratoire confirment que les gamétocytes de Plasmodium falciparum murissent à l’intérieur de jeunes globules rouges.
Les gamétocytes se développent au sein de la moelle osseuse, suggèrent ces données. Cibler cette étape clé dans le cycle de vie de Plasmodium falciparum permettrait de développer de nouveaux médicaments, qui, certes, ne permettraient pas de traiter les symptômes de paludisme – qui viennent de la reproduction asexuée des mérozoïtes mais pourraient empêcher le « retour » des gamétocytes sexuels chez les moustiques.
Source:Science Translational Medicine July 9 2014 DOI: 10.1126/scitranslmed.3008882
Plasmodium falciparum transmission stages accumulate in the human bone marrow (Schéma NIH)
Pour en savoir plus sur le Paludisme