Elvira Navarro, née en Espagne en 1978, a passé son enfance entre Valence et Cordoue et elle vit désormais à Madrid où elle a obtenu son diplôme de Lettres. Son premier livre est paru en 2007, La ville en hiver, chaleureusement accueilli par la critique et récompensé par le prix Fnac du Jeune Talent. Elle a été choisie par la revue Granta parmi les 22 meilleurs auteurs de langue espagnole de la jeune génération. En 2009 elle publie La ville heureuse qui vient tout juste d’être traduit chez nous.
Un gamin arrive de Chine pour rejoindre sa famille émigrée en Espagne depuis trois ans, où elle tient un modeste petit commerce de restauration. Sara, une fillette, cherche à entrer en contact avec un vagabond qui l’effraie et la fascine tout autant.
Etrange roman que cet ouvrage d’Elvira Navarro, constitué de deux parties complètement distinctes l’une de l’autre, comme deux novellas accolées par un lien ténu, le jeune chinois et la fillette vivent dans le même quartier et ont été copains de jeux à une époque. Même la forme accentue cette dichotomie puisque l’écriture diffère entre les deux parties. La première recèle des phrases curieusement construites ou la présence de mots ne semblant pas toujours adéquats (traduction ?), tandis que la seconde est rédigée d’une écriture beaucoup plus évidente et banale. La première est racontée par une voix extérieure, la seconde par la jeune Sara. Mais point commun à ces deux formes narratives, une langue à la musique peu attractive.
Tout est froid dans ce roman. Les décors sont abstraits, les noms de lieux sont identifiés par une lettre initiale, rien n’est chinois, rien n’est espagnol, la mondialisation aseptisée. Comme l’écriture n’incite pas à l’empathie pour les deux gamins, on a du mal à s’intéresser au texte. Un point de vue d’écrivain trop cérébral, intellectuel dans le sens négatif du terme.
Que veut nous dire Elvira Navarro avec ce roman peu évident. J’avouerai ne pas trop savoir et j’assume mon ignorance crasse. Certes, il y est question de difficultés à communiquer, comme entre le garçon et sa mère, « ils étaient allés trop loin dans l’incompréhension mutuelle » constate-t-il. Ou bien entre Sara et ses parents, « Ils ne savent pas non plus comment aborder le sujet avec moi », et aussi entre la fillette et le vagabond « et en réalité nous n’arrivons jamais à un toi et moi, mais seulement à son univers et mon univers. » Un thème bien connu et qui n’a rien de novateur ici.
Pourtant d’autres aspects, bien qu’esquissés, ouvrent une porte de réflexion plus intéressante, comme le rôle de la langue du pays d’accueil et son importance pour un immigré qui tout en l’acquérant constate « une subtile variation dans son identité ». A moins que ce ne soit le passage de l’enfance au stade du jeune adulte, faisant dire par son amie à Sara, « Tu deviens sérieuse » et « venant de sa bouche l’accusation est grave. »
Un roman qui m’a laissé de glace, à l’image de son titre relevant de l’humour froid et pince-sans-rire.
« Désormais, son père ne signifiait plus grand-chose pour sa mère, et pour son grand-père, tout comme le pensait sa mère, il ne signifiait rien de plus que son désir de l’anéantir. D’un autre côté, si sa mère et son grand-père avaient appris un peu plus l’espagnol, ne serait-il pas renfermé ? La liberté de son père ne dépendait-elle pas du fait que ni sa mère ni le grand-père ne le comprenaient pas ? Sa mère communiquait avec son père avec de brèves phrases informatives : « La facture du gaz est arrivée », « Il faut aller racheter des fûts de bière », « La charnière de la porte droite du buffet s’est dévissée ». Son grand-père ne communiquait jamais directement avec son père, mais à travers eux. « Dis à ton père, disait-il à Chi-Huei devant son père, qu’il vérifie l’inventaire de la réserve ».