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Bastides, villes neuves médiévales - par Michel Coste et Antoine de Roux

Par Mpbernet

Un ouvrage très documenté, découvert lors de notre visite au "Bastideum" de Monpazier, l'une des plus belles et les mieux conservées des bastides de notre région ....

bastides

Entre 1229 et 1328, le temps des bastides aura duré moins d’un siècle …

Jusqu’ici, j’avais toujours pensé qu’il s’agissait de villes fondées à l’initiative d’un suzerain pour s’attacher, en échange d’exemptions d’impôts et de terres, des paysans. Ce livre très sérieux vient battre en brèche mes certitudes …

En réalité, les bastides surgissent d’initiatives privées, comme celle d’un promoteur qui cependant aurait recherché et obtenu l’approbation et la protection d’un seigneur – Roi, Duc d’Aquitaine, seigneur ecclésiastique – auprès duquel la nouvelle cité à construire bénéficie d’un contrat de paréage. Et il s’agit avant tout d’une entreprise purement économique …

Tout part de l’explosion de la demande de vins « gascons » de la part des pays d’Europe du Nord, qui provoque la plantation d’un vaste vignoble le long des rivières navigables, et le défrichement de terres jusque-là inexploitées. Un formidable boom du commerce extérieur ... La prospérité serait née de la coopération entre artisans et viticulteurs, sans qu’interviennent les privilèges juridiques et fiscaux des autorités de tutelle. Cette croissance des échanges donne aussi une occasion aux princes de s’intercaler dans les espaces féodaux en offrant leur protection dans le cadre des chartes, et en échange de prélèvements exclusivement en monnaie.

Ces chartes attribuent à tout habitant une parcelle assortie d’un cens inférieur à celui d’autres terres, alors même que la vigne produit un revenu plusieurs fois supérieur à superficie égale. Le cens est généralement de 6 deniers par airal, soit le salaire d’une demi-journée. Les airals, presque toujours rectangulaires, représentent en général 150m², plus une surface quadruple pour les jardins, plus le double de la surface des jardins pour les vignes.

La ville est ainsi une mosaïque de parcelles sur lesquelles, en peu de temps, des couples appartenant à la même génération, bâtissent leur foyer côte à côte. C’est la place des couverts qui constitue l’élément principal de la bastide, et qui incarne l’objectif d’attirer la pratique commerciale. Individuellement, les commerçants construisent un couvert devant leur propre maison, collectivement, ils bâtissent une halle.

Les rues charretières sont d’une largeur inusitée pour des rues médiévales (entre 6 et 8 mètres). La largeur de la maison est fonction de la portée maximale d’une poutre en bois : 6 à 8 mètres. Toutes les parcelles sont de largeur identique, en revanche, la profondeur en est variable. De longues parcelles, disposées dos à dos, séparées par d’étroites venelles (ruettes, carrerots, carreirous) larges d’1 à 2 mètres. Les maisons peuvent recouvrir toute la parcelle, sans jardin ni cour intérieure, avec un accès par la boutique au rez-de-chaussée à usage commercial. Lorsqu’il y a dissociation de propriété entre le premier et le second niveau, on peut trouver un escalier qui débouche sur le couvert ou directement sur la place. Entre les maisons, des « andronnes » de 30 cm environ créent une discontinuité des façades et permettent le rejet des eaux de pluie. Les « couverts » apparaissent très tôt mais ne sont pas prévus à l’origine.

En revanche, l’église est construite par les habitants dans la décennie qui suit la fondation de la bastide. Elle peut préexister et la place carrée est dessinée en fonction de son emplacement, même si elle a été reconstruite ou agrandie, généralement en diagonale avec une ruelle qui l’y relie, comme pour se placer sous la protection de la religion, ou encore en façade sur la place, avec un clocher-porche dans l’alignement des couverts.

Le mouvement de construction des bastides est particulièrement bref et violent. Au total, on en compte 320 dans le grand sud-ouest. Toutes n’ont pas réussi, loin s’en faut, et certaines sont difficilement reconnaissables aujourd’hui. Cet ouvrage permet une lecture du paysage urbain médiéval absolument irremplaçable.

Bastides, Villes nouvelles médiévales, etude de Michel Coste et Antoine de Roux (2007), collection Patrimoine Vivant, chez Desclée de Brouwer - 160 p. 20€


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