de Terry Gilliam.
Sorti le 25 juin 2014.
Dans tous ses films, Terry Gilliam semble possédé par son sujet, jusque dans sa mise en scène. Après l'univers rétro-futuriste de Brazil, apocalyptique de L’Armée des douze singes ou encore magique de L'Imaginarium du Docteur Parnasius, découvrez l'ambiance techno-futuriste-flippante de Zero Theorem !
Qohen Leth (Christoph Walz) est opérateur au sein d'une obscure et omnipotente entreprise de communication, appelée Management. Il travaille comme on joue à Tetris, en remplissant des cases avec les bons cubes. Bien qu’entouré de personnages hauts en couleurs et en costumes (David Thewlis, excellent), il est néanmoins très isolé. Quand il ne travaille pas, il vit dans une église qu’il a rachetée, reclus , obsédé par un appel téléphonique censé donner un sens à sa vie…appel qu’il ne reçoit pas. Sacré climat ! Qohen se débat dans un monde à rendre fou et dans son travail qui le rend fou. Christoph Walz excelle dans ce personnage névrosé, effrayé par l'autre, qu'on ne peut toucher et qui parle de lui en utilisant le "nous". Tête rasée, parfois filmé nu, il donne littéralement corps au décalage et au désespoir de Qohen. Il est secondé par une Tilda Swinton déjantée, par David Thewlis, trop rare à l'écran, assez halluciné et hallucinant, et enfin par Matt Damon, au costume et à la couleur de cheveux pour le moins originaux ! Le casting est excellent et tout le monde œuvre à la singularité du film, en assumant des rôles improbables.
Le film est très graphique, et comme toujours très -trop ?- original, truffé de détournements divers et variés (la palme au Shrink-Rom, logiciel dédié à la psychothérapie sur ordinateur, merci Tilda Swinton !). Imaginez-vous débarquer dans une gay pride organisée au carnaval de Dunkerque et vous entreverrez l'esthétique du film. Flashy, décalé mais peut-être aussi difficile d'accès pour certains spectateurs. On retrouve la caméra mobile et frappante de Brazil, tout en appréciant les instants où elle se pose, laissant entrer et sortir les acteurs ou les objets du cadre.
Zero Theorem fourmille de critiques envers le monde contemporain, notamment dans une séquence dans laquelle tous les personnages, pourtant censés participer à une fête, sont scotchés à leur smartphone/iPod/tablette. Si loin si proche. Le phénomène se développe autour de nous (dans la vraie vie !) et Gilliam nous le jette en pleine figure. Le film est truffé de moments de ce genre. On retrouve là sa passion pour la dérive du tout connecté. Les tuyaux, déjà présents dans Brazil, apparaissent aussi dans Zero Theorem, et les écrans d'ordinateurs, omniprésents, donnent l'illusion d’une connexion des uns avec les autres. Ce pseudo lien est au cœur du film. Car la vraie connexion, celle qu'attend le personnage principal, tarde à se faire. Pendant ce temps, il ne cesse de courir après un bonheur virtuel, tout en se demandant s’il sera heureux un jour.
On aura néanmoins du mal à trouver une ligne droite dans le film. Il nous emmène dans des méandres opaques, à travers des scènes qui peinent à faire lien entre elles. Dans Sacré Graal, on l'acceptait avec bonheur, tant le film était farfelu. Ici, alors qu'on sent bien que Gilliam aborde des questions existentielles, on a plutôt tendance à se perdre...
Pauline R.
Christoph Walz est secondé par d'excellents seconds rôles (ici David Thewlis).