Migrants. Pour ne pas dire réfugiés, ni immigrés, avec tellement d’espoir encore dans leurs corps fatigués. Pour ne plus les voir, on invente un mot qui ne veut rien dire. Migrants. Surtout, ne vous arrêtez pas chez nous, on ne sait quoi faire de toute votre misère.
Nous, c’est l’été, on veut s’entasser sur l’autoroute du sud et sur les plages de la Grande Motte, boire des pastis, jouer aux boules et danser sur Maître Gims, reluquer le cul de la voisine de serviette, pas les bidonvilles de Calais. Cachez cette faim que je ne saurais voir.
L’Indien venait de comprendre qu’il avait devant lui les vrais aventuriers du XXIème siècle. Ce n’étaient pas les navigateurs blancs, dans leurs bateaux à cent mille euros, leurs courses à la voile, leurs tours du monde en solitaire dont tout le monde se foutait sauf leurs sponsors publicitaires. Eux n’avaient plus rien à découvrir.
Ajatashatru sourit dans la nuit. Il voulut lui aussi, au moins une fois dans sa vie, faire quelque chose pour quelqu’un d’autre et non plus seulement pour lui-même.
Romain Puértolas, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, Le Dilettante, 2013.