extrait de:"Plaidoyer pour l'altruisme" de Matthieu Ricard
Un mendiant reçoit deux billets de cinquante roupies- somme relativement conséquente au Népal -, il en donne la moitié à son compagnon d'infortune.
Une infirmière épuisée après une nuit de garde éprouvante, reste néanmoins quelques heures pour assister un mourant qui part seul.
Ma soeur, Eve, qui s'est occupée toute sa vie d'enfants en difficulté, n'a jamais hésité à se lever en pleine nuit pour accueillir un enfant qui fuguait.
Dans le métro, un Maghrébin percevant l'état d'angoisse d'une voyageuse qu'il ne reverra jamais, lui murmure: "Ne t'inquiète pas ma fille, ça va passer."
Au terme d'une journée trop remplie, un ingénieur rentre de son bureau et fait cinq cents mètres de plus pour montrer à un étranger perdu dans la capitale le chemin de son hôtel.
On a pu parler de la" banalité du mal", Mais l'on pourrait aussi parler de la "banalité du bien", en se représentant les mille et une expressions de solidarité, de prévenance et d'engagement en faveur du bien d'autrui qui jalonnent nos vies quotidiennes et exercent une influence considérable sur la qualité de la vie sociale. De plus, ceux qui accomplissent ces innombrables actes d'entraide et de sollicitude disent généralement qu'il est bien "normal" d'aider son prochain.
S'il est justifié d'évoquer cette notion de banalité, c'est aussi parce qu'elle est en quelque sorte silencieuse: Le bien de chaque jour est anonyme; il ne fait pas la une des médias à la manière d'un attentat, d'un crime crapuleux, ou de la libido d'un homme politique. Et, enfin, s'il y a banalité c'est encore le signe que nous sommes tous potentiellement capables de faire du bien autour de nous.