Cette année, le festival Lumière visite l’oeuvre de Friedrich Wilhelm Murnau, lors de deux grands ciné-concerts
Après Tabou, lors de la première édition du festival en 2009, retour sur deux chefs-d’œuvre de l’un des cinéastes majeurs des années 20 : Nosferatu et Le dernier des hommes.
F.W. Murnau fut admiré par Charlie Chaplin et Greta Garbo. Eric Rohmer parlait de lui comme “le plus grand des cinéastes”. Ce dandy esthète qui fit ses armes au théâtre auprès de Max Reinhardt, porta le cinéma, alors art naissant, à des sommets de beauté et de sophistication. Le surnaturel, la magie et les puissances occultes hantent ses films, de Nosferatu à L’Aurore, son grand film hollywoodien, en passant par Faust ou Tartuffe. Le destin rattrapa Murnau, confirmant la prédiction d’une voyante qui lui avait conseillé d’éviter les voitures quelques années plus tôt : il mourut à 43 ans d’un accident de la route. Tabou sera son dernier film.
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Mercredi 15 octobre à 20h, Nosferatu
Le désormais traditionnel ciné-concert du mercredi soir, avec l’Orchestre national de Lyon, sous la direction de Timothy Brock.
Allemagne, 1922, 1h34, noir et blanc
Réalisation : Friedrich Wilhelm Murnau
Scénario : Henrik Galen
Photo : Fritz-Arno Wagner
Décors : Albin Grau
Avec Max Shreck, Gustav von Wangenheim,
Alexander Granach, Greta Schröder
Synopsis
1838, le jeune agent immobilier Hutter doit se rendre en Transylvanie pour gérer une affaire avec le comte Orlock. Il laisse à Viborg son épouse Ellen, pour qui ce voyage est signe de mauvais présage. Le mystérieux comte sème en effet la terreur parmi les habitants de la région et accueille son hôte de curieuse façon. Hutter réalise alors que le vieux comte est un vampire !
A propos du film
Nosferatu fit l’admiration des surréalistes, André Breton, Robert Desnos ou encore Georges Sadoul, qui racontait : "Pendant des semaines, nous nous sommes répétés, comme une expression de pure beauté convulsive, le sous-titre du film, au moment où le héros s’achemine vers l’obscur château des Carpates : Passé le pont les fantômes vinrent à sa rencontre".
Nosferatu devint une œuvre qui porta le muet au niveau des arts nobles, tout en marquant la véritable naissance du cinéma fantastique comme genre à part entière. On dira de Nosferatu comme Mabuse, Caligari et les autres créatures expressionnistes, qu’ils furent les signes avant-coureurs d’un chaos social bientôt incarné dans le nazisme. Mais Nosferatu est avant tout un magnifique songe visuel, hanté par la mort et les fantômes. Le scénario adapte librement, et sans le nommer pour des questions de droits d’auteur, le Dracula de Bram Stoker. Son film demeurera la référence absolue pour les nombreuses adaptations du roman qui suivirent. La force de Nosferatu vient également du contre-pied à l’esthétique expressionniste adopté par Murnau. Alors que Caligari exploite l’irréalité du tournage en studios, Murnau choisit de tourner, en grande partie, dans des décors naturels, dans les montagnes slovaques, dans les rues de Rostok. Rapidement une aura de mystère enveloppa l’acteur Max Schreck, qui incarne le vampire. Tout comme le film, qui, dépassant le cadre strict de l’expressionnisme, a acquis un statut aussi irremplaçable qu’énigmatique.
Le chef d’orchestre : Timothy Brock
Compositeur, l’Américain Timothy Brock est passé maître dans l’illustration musicale des grandes oeuvres du muet. On lui doit notamment les musiques du Journal d’une fille perdue de Pabst, L’Aurore de Murnau, La P’tite Lili de Cavalcanti, Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene ou Nanouk l’Esquimau de Flaherty.Il collabore à la préservation de l’héritage musical de Charlie Chaplin et a écrit de nouvelles partitions pour quatre chefs-d’oeuvre de Buster Keaton dont Steamboat Bill Junior et Le Mécano de la General.
Il a présenté ses oeuvres dans des lieux prestigieux – de la Cineteca de Bologne au Konzerthaus de Vienne en passant par le New York Lincoln Center ou le Barbican Centre de Londres – et avec les plus grands ensembles – Berliner Symphonie-Orchester, Los Angeles Chamber Orchestra et l’Orchestre national de Lyon.
À l’occasion du festival Lumière, il a dirigé les musiciens de l’Orchestre national de Lyon pour accompagner la projection de Tabou de Friedrich W. Murnau en 2009, Le Cameraman d’Edward Sedgwick en 2010, ainsi que Loulou de Georg Wilhelm Pabst en 2012.
Dimanche 19 octobre à 11h, Le Dernier des hommes
Ciné-concert entièrement accompagné à l’orgue par David Cassan. L’orgue de l’Auditorium est intégré à la salle, un cas unique en France !
Allemagne, 1924, 1h27, noir et blanc
Réalisation : Friedrich Wilhelm Murnau
Scénario : Carl Meyer
Photo : Karl Freund
Décors : Robert Herlth
Avec Emil Jannings, Emilie Kurz, Hans Unterkircher
Synopsis
À l’Hôtel Atlantic de Berlin, le vieux portier a fière allure avec son bel uniforme à boutons dorés. Tout le monde le salue et le respecte dans son quartier. Il est considéré comme une personnalité pour avoir le privilège de pénétrer chaque jour dans le monde des riches. Mais un jour, devenu trop vieux pour exercer sa profession, il se retrouve préposé aux toilettes et doit quitter la redingote qui faisait sa fierté. Ceux qui l’estimaient le méprisent car il n’est plus que le dernier des hommes, objet de moqueries et d’insultes…
Éblouissante mise en scène où la caméra, en perpétuel mouvement, décrit les personnages, les actes et leurs états d’âme, sans qu’un seul intertitre ne soit nécessaire. Elle épouse le trajet du héros et tout le décor du palace a été construit en studio pour la virtuosité des mouvements d’appareil.
A propos du film
Admiration de Marcel Carné : « Sous la maîtrise visionnaire de Murnau, la caméra glissait, s’élevait, planait ou se faufilait partout où l’intrigue le nécessitait. Elle n’était plus figée conventionnellement sur un pied, elle devenait personnage du drame. »
Mais le film ne serait rien sans l’éblouissante interpétation d’Emile Jannings, l’un des plus grands acteurs du cinéma muet.
Le critique Edmond Epardaud le note dès 1925 : « Un interprète porte tout le poids du film, et c’est Emile Jannings. Il prouve par son jeu tout en nuances qu’il est un des plus grands acteurs de composition dont s’honore le cinéma mondial. Son importance est telle que l’on peut se demander si le film eut pareille beauté et pareil retentissement sans lui. »
L’orgue de l’Auditorium
Construit pour l’Exposition universelle de 1878 et la salle du Trocadéro, à Paris, cet instrument monumental (82 jeux et 6500 tuyaux) fut la «vitrine» du plus fameux facteur d’orgues français, Aristide Cavaillé-Coll.
Installé à Lyon en 1977 par Georges Danion, l’orgue fut confié tout d’abord au talent de Patrice Caire. Il connut ensuite un lent déclin. La résidence du compositeur et organiste Thierry Escaich, de 2007 à 2010, lui a rendu son rayonnement artistique, concrétisé aujourd’hui dans une programmation variée – concerts avec orchestre, musique de chambre, récitals, ciné-concerts, concerts éducatifs…
L’orgue de l’Auditorium est à ce jour le seul grand orgue de salle de concert en France. Il vient de connaitre une nouvelle restauration, achevée en novembre 2013.