Commençons cette analyse par un état des lieux. Grâce à sa domination écrasante dans la recherche sur le web, à l'échelle mondiale, et avec sa seule activité de publicité par mots-clés (AdWord), Google générait (en 2011) 4 milliards de dollars de revenus annuels dans les services financiers. Parmi ceux-ci, figure l'assurance automobile, qui représente son secteur le plus rémunérateur, toutes catégories confondues. A elles seules, 3 compagnies américaines (State Farm, Progressive et Geico) dépensaient 110 millions.
Dans le même registre mais sous un modèle beaucoup plus ciblé, Google opère également – au Royaume-Uni uniquement, puisqu'il est actuellement suspendu en France – un service de comparaison de prix d'assurances (automobile et voyage), intégré via l'acquisition en 2011 du spécialiste BeatThatQuote. Là encore, et bien qu'aucune estimation de chiffre d'affaire ne soit communiquée, l'entreprise est rémunérée par les compagnies dont les offres sont présentées.
Et ce marché n'en est qu'à ses balbutiements ! En effet, si, aujourd'hui, la souscription en ligne reste relativement marginale, elle ne fera que progresser au fil des ans et le web (avec le mobile) deviendra certainement, à terme, le premier canal de vente de l'assurance, surtout pour des produits relativement standards. Dans cette hypothèse, Google disposera alors de la plus grande vitrine du monde, lui garantissant une toute-puissance incontestable dans la distribution.
Prenons maintenant un peu recul et changeons de perspective… Il faut, par exemple, s'intéresser aux données. Après tout, il s'agit de la spécialité de Google, tout autant que des assureurs. Mais contrairement à ces derniers, le californien dispose de sources diversifiées et presque inépuisables : pensez ainsi aux informations collectées par les téléphones fonctionnant avec Android, qui servent déjà à optimiser les calculs d'itinéraires et à contextualiser les services proposés par Google Now.
Si les constructeurs se laissent séduire (ce qui semble bien engagé, avec l'initiative Open Automotive Alliance), le système Android équipera bientôt aussi les voitures et fournira encore plus de données. Il en sera de même à la maison, grâce au rachat de Nest : les thermostats intelligents de cette dernière ne sont qu'une première étape vers l'habitation connectée, comme le montre son absorption récente d'une autre startup, DropCam, qui commercialise des caméras de surveillance domestique.
Les compagnies d'assurance peuvent espérer avoir un jour accès à ses informations, mais alors, à quel prix ? A moins que Google ne réalise que ses capacités d'analyse de données lui donne un avantage concurrentiel et n'entre directement dans l'arène. Enfin, il ne faut pas oublier l'impact que peuvent avoir certaines de ses innovations : si la question de l'assurance des voitures autonomes (Google Car en tête) laisse les acteurs traditionnels perplexes, le géant du web est prêt à prendre leur relève !
De manière plus ou moins directe, Google a des arguments similaires à faire valoir dans bien d'autres domaines que l'automobile et l'habitation, notamment la santé, la vie… Pendant ce temps, les assureurs historiques sont empêtrés dans des efforts de modernisation de leurs systèmes informatiques existants et une course au respect de nouvelles exigences réglementaires. Ils risquent fort de ne pas voir arriver la révolution qui prend germe actuellement…