Blue Ruin // De Jeremy Saulnier. Avec Macon Blair, Devin Ratray et Amy Hargreaves.
Blue Ruin pourrait ressembler à une sorte de La voie de l’ennemi inversé. J’ai bien aimé la manière dont on tente avant tout de nous plonger dans l’univers de Dwight, cet homme qui a perdu ses
parents et qui semble avoir tout perdu. Bien entendu que le film cherche à aller bien plus loin que ça, parlant du programme du système américain, de l’Amérique profonde qui n’a pas un sou, etc.
sans compter sur les traumatismes liés à la guerre ou encore la chasse qui est, dans ces endroits des Etats-Unis, une sorte de sport national. Jeremy Saulnier, près de sept ans après Murder
Party, revient donc avec un film âpre, brumeux mais terriblement efficace. Disons qu’il y a quelque chose de merveilleux dans ce que le réalisateur tente de mettre en avant, et même dans la
photographie du film il excelle. Cet univers, en plus d’être intelligent et passionnant, est hypnotique grâce à la prestation sans faille de Macon Blair. Ce dernier pourrait être n’importe qui
d’entre nous, un homme qui perd sa famille et qui nous laisse imaginer plus ou moins ce qu’un homme dans la même situation pourrait faire. C’est pourtant un film avec pour base une histoire assez
classique mais le tout fonctionne tellement bien que cela en devient assez atypique.
Un vagabond solitaire voit sa vie bouleversée lorsqu'il retourne à sa maison d'enfance pour accomplir une vieille vengeance. Se faisant assassin amateur, il est entraîné dans un conflit
brutal pour protéger sa famille qui lui est étrangère.
Plus le film avance et plus l’on plonge dans cet univers qui fait littéralement froid dans le dos. En effet, si le personnage de Dwight est quelqu’un d’imprévisible, il n’est pas le seul. Toute
la famille qu’il est en train de mettre en rogne est elle aussi tout aussi imprévisible. J’ai alors trouvé merveilleux de nous plonger dans cette violence qui peut surgir à tout instant et alors
plonger le film dans un tout autre registre. A certains moments on est alors plus dans le polar contemplatif. Les décors ne sont pas des belles villes avec de grands buildings mais des bourgades
paumées où il faut faire des kilomètres pour rejoindre certaines propriétés, où la brume vient napper la route, où la bruine vient coiffer les visages des gens, où les maisons sont simples et où
les voitures ne sont pas des plus récentes. Le constat social de cette Amérique profonde est très bien fait car l’on sent que derrière se cache un film complètement différent. Jeremy Saulnier
veut nous démontrer aussi que n’importe qui peut être capable d’une terrible violence simplement par envie de se venger. Au fond il n’a pas inventé le fil à couper le beurre avec un tel pitch
mais il fonctionne très bien.
Je pense donc que l’avantage de Blue Ruin est de ne pas avoir de film qui lui ressemble réellement. Sans compter qu’en plein débat sur le port d’armes, ce film donne un vrai coup de pied dans la
fourmilière. Pourquoi est-il si facile d’accéder à des armes dans le pays de l’Oncle Sam ? Comment peut-on autoriser les gens à en porter sans raison apparente (même si le périple de Dwight pour
trouver une arme est à la fois cocasse et étrange). Par ailleurs, il y a aussi un côté psychologique qui permet plus ou moins de remettre en question la place du meurtre dans tout ça. Est-ce que
cela vaut réellement le coup ? Mais quand on est dans l’engrenage, est-il facile de s’en sortir ? Finalement, Blue Ruin est une bonne surprise, installant petit à petit son climat, ses
personnages, jusqu’à parfois devenir étouffant, oppressant, et ce même si quelques moments d’égarement dans le scénario (notamment quand celui-ci tente de montrer le côté un peu benêt de Dwight)
le tout fonctionne si bien que l’on ne peut pas rester indifférent. Sans pour autant faire de Blue Ruin un film controversé. Bien au contraire.
Note : 8/10. En bref, un polar sombre, brumeux relançant le débat sur le Deuxième Amendement.