Depuis Arenberg (Nord).
Croyez-en mon expérience des lieux (la mine) et de Paris-Roubaix en général (la course). Les «enferdunordologues», qui se distinguent par la passion maladive de la «classique des classiques», ont une opinion définitive sur la question. Pour eux, la fameuse et mythique tranchée d’Arenberg, chemin vicinal de 2400 mètres taillé dans l’immense forêt de Wallers au Moyen Age, est bel et bien une tranchée. L'affaire sémantique ne se discuterait pas...
Moi, je veux bien. Mais je vous avoue que, depuis mon premier Paris-Roubaix (en 1988...), je cherche encore le "parapet" longeant ces pavés luisants et herbus, classés et interdits à la circulation tout au long de l'année à tout véhicule motorisé. Une fois l’an, pour une horde de cyclistes, la tranchée redevient une tranchée. A la moindre évocation de ce sujet, vous connaissez sûrement la métaphore guerrière. Inutile donc de préciser que ces ornières en dévers sont au cyclisme ce que Verdun est à la stratégie militaire. Un champ d'honneur ou une boucherie. C'est du moins ce qu'on entend dire rituellement, pour ne pas dire mécaniquement.
Et c’est bien le problème. Le grand-père moustachu blessé à Verdun apprécierait peu (lui qui refusa les médailles) qu’on compare l'antre d’une course cycliste à l'un des hauts lieux des sacrifices humains de la Première Guerre mondiale. Qu’a donc à voir la Boucherie de 14-18 avec la souffrance physique de sportifs certes courageux? Rien. Absolument rien. Les comparer à des mineurs est déjà une gageure, alors à des poilus...
Alors? Sachant cela, faut-il continuer à dire «tranchée»? En salle de presse, installée dans les anciens locaux de la mine d’Arenberg, fermée en 1989, j'en ai discuté avec le député communiste Alain Bocquet, président de la communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut et maire de Saint-Amand-les-Eaux. Il nous propose une bien belle solution. Que je m’empresse d’adopter. Pour Bocquet, qui, comme moi, goutte peu la métaphore guerrière, il conviendrait ni plus ni moins de changer les mots pour éviter de leur accorder une charge symbolique déplacée. Pour lui, il faudrait dire «trouée» et non plus «tranchée», qui rappelle trop les millions de morts. Mais Bocquet ne s’arrête pas là. Avec ses amis Nordistes, il suggère en toute logique d’arrêter de dire «Enfer du Nord» au profit de «Envers du Nord». Bien belle idée. Non?