le couperet d’image
le couperet d’image levé reneige sur un bois d’images. maison du langage chambre des livres
d’où crépitent les flammes d’où ressuscitent des pages de cendre comme
des projectiles des langues éphémères transparentes qui respirent. ce sont rapides
ombres à la membrane bouffie de feu, flammes-membres qui s’étirent.
neige qui tombe. écrire est patauger dans une tempête de neige j’entends mon hal-
ètement, la voix sous les flocons et le mugissement attaquée l’oreille avec laquelle l’écoute
doit d’abord être retranscrite. vacarme des cendres et neige à tue-tête
qui tombe au travers des nuits. les autres frères recopient et suis copiste aussi la langue c’est
la sœur je vais au lit avec la lourde sœur parfois elle y est couchée comme
une planche dure Saint-Georg aide-moi pourquoi feins-tu les manières d’un sourd
ne fais pas ces manières. offre-moi un regard un mot seule la flamme tend ses mains bien sûr.
mais la maison du langage ne cligne pas d’un cil si sûr. dehors il y a la guerre, de-
dans ici la sœur noircie de neige me tourne un dos glacé: c’est la bagarre
dans les hiérarchies des anges, bagarre avivée par le givre. le froid pénètre les gencives,
assourdit les frère et sœur en langue. deux traits de bouche, blancs. chut, c’est notre tour.
nous qui piétinons dans la tempête de neige refoulant les flocons, dos de neige de ma
sœur sourcil de la sœur ou plutôt blanc charbon sororal il ne faut
pas faire tant de manières la neige en serait sourde stries blanches
sur les miroirs de poche. c’est en tombant patience de neige que l’on claque sa braise et l’on devient
en rien de temps braise angélique on se sent illustré photographié. on se sent cendre
sur petite sœur. je n’entends rien de toi, ton corps lourd d’alphabet est
inscrit et recopié. sourcils de boue, sèche ton visage mon ange
les anges viennent sécher tes larmes. suaire-de-véronique. ce foutu drap
où colle l’humide, la couche. par dessus ton dos les cheveux dégringolent dans le sel.
vite se relever, en quête de coke. tu restes là au lit, ange, tu m’at-
tends? jambe libre battante, frissons. frère, tes mots dans la chambre d’écho
de mes tympans, jambe neige de soutien. Suis dans un trou d’air, Georg, comme toi.
Extrait de : Thomas Kling: „Première guerre mondiale“, revue Po&Sie n° 95. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.
das bildbeil
das bildbeil erhoben und schneit ins bildholz rein. sprachhaus buchkammer
aus denen flammen schlagen aus denen fremde aschenseiten auferstehn wie
projektile atmende kurzlebige durchsichtige sprachen. das sind geschwinde
schatten dicht flammender membran, flammengliedmaßen die sich strecken.
fallender schnee. schrift ist durch einen schneesturm waten ich höre mein keu-
chn, stimme im stiemen im brausen das angegriffene ohr mit dem das hören
erst erschrieben werden muß. polternde asche jolender schnee der durch die
nächte fällt. die mitbrüder kopieren der kopist bin ich die sprache ist die schwe-
ster ich gehe mit der schweren schwester ins bett in dem sie manchmal wie
ein brett liegt heiliger Georg hilf warum stellst du dich taub. stell dich nicht so
an. schenk mir einen blick ein wort nur die flamme reckt die hände natürlich.
das sprachhaus zuckt nicht mit der natürlichen wimper. draußen ist ein krieg, drin-
nen hier weist die schneerussige schwester mir die schulter: es ist ein gerangel
in den engelordnungen, ein frostverschärftes rangeln. kälte fährt ins zahnfleisch,
macht die zungengeschwister taub. zwei mundbarren, weiß, schsch. es ist unser!
unser durch den schnee sturm waten flockenstemmen, schneeschulter meiner
schwester meiner schwester braue beziehungsweise weißes brautbrikett man
darf sich nicht so anstellen so wird der schnee selbst gehörlos weiße striemen
auf den handspiegeln. im fallen schneegeduld so wirst du kohle los engelkohle
wirst du im nu und fühlst dich bebildert abfotografiert. du fühlst dich wie asche
an schwesterchen. ich höre nichts von dir, dein letternschwerer körper wird
beschriftet und kopiert. schlammbraue, trockne dein gesicht ab mein engel
engel kommen trocknen deine tränen. das schweißtuch. das verfluchte bettlaken
an dem das nasse klebt, die lake. über deinen rücken die haarabstürze ins salz.
und wieder auf, dem coca nachzujagen. bleibst du hier liegen, engel, bis ich
wiederkomm? wippendes spielbein, gezitter. dein wörtchen, bruder, rauscht
mir durch die paukenhöhle, standbein schnee. ich sacke durch, Georg, wie du.
Extrait de : Thomas Kling: Fernhandel, DuMont 1999.
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s’adossent aux épaules mortes
elles s’adossent aux épaules mortes les pierres. on n’y a déposé
aucun petit caillou en signe d’un ancien rite oriental. la langue
de l’oraison: allemande, style art nouveau fleuri-floral; la plupart ont réussi
quelque chose dans leur vie, c’est ce que disent ces longues lamentations dans le noir
marbre. champ au soleil, ruban de pluie, lenteur, lumière d’étoile; klinger, singer,
morgenstern, plutzer alias trauring; faucon et papillon
toutes les couleurs de l’époque trakl, et plus tard. rameaux bruns s’abattant
sur le silence des morts ! on en hurle depuis l’au-delà. grincement d’aiguillage
comme une tendre fumée portée par le vent - gare centrale de triage
de kledering. en plusieurs occasions un pays de la mort honni rétrospectivement ;
ils gisent quelque part à l’est, en pologne quelque part. et les pierres
s’adossent aux épaules mortes. aucun petit caillou n’y a été déposé selon l’ancien
rite oriental. pivert envoie son morse. ciel tegetthoff-d’-azur
sur la ville viennoise. repropagation des fondrières, cahoteux entonnoirs
beaucoup de tombes abîmées par les bombes. une partie des noms allemands a été
nouvellement astiquée. traits d’écriture rajoutés au pinceau : blaustein, braunstein,
roselion, chiffre, ceux qui s’appelaient steinherz, tänzer, zimet, weichherz ou encore
teitel, zweifler, frauenglas. boutons jaunes de champ solaire, toutes
les mortes couleurs-trakl, les löwenrosen, ceux qui juste avant la fermeture avaient
le droit d’être déjà morts chez eux (coupure du son) pendant les grincements d’aiguillages,
des yeux, les sprecher et les siebenschein, un pivert donne le
signal à des arbres dénudés. quelque chose recommence à gémir, au-dessus,
sifflement aigu ; les wagons sur l’acier, ils démarrent. ausfresser,
tänzer, morgenstern, un chant. les laster, zimet, winterstein. lierre
et buis, années par-dessus les rangs, groupements, par-dessus la raison.
polak, champ d’yeux qui parle : aux épaules détruites
les pierres s’adossent, pas un seul petit caillou n’y a été posé.
Extrait de : Thomas Kling: „Première guerre mondiale“, revue Po&Sie n° 95. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.
es stützen mit den toten schultern
es stützen mit den toten schultern sich die steine. auf denen keine
steinchen liegen, alte markierung aus dem alten orient. die nachruf-
sprache: deutsch, floral-beflorter jugendstil; die meisten haben was
geschafft in ihrem leben, die langen klagen sagen das in schwarzem
marmor. sonnenfeld, regenstreif, langsam, sternlicht; klinger, singer,
morgenstern, plutzer recte trauring; raubvogel und schmetterling
die ganzen farben aus der traklzeit, und später. ‘s braune laub prallt
auf die totnstille! von jenseits kreischts. ‘s rangiergeräusch wie
zarter rauch, vom wind gebracht – zentralverschiebebahnhof
kledering. verschiedentlich ein später nachgetragnes sterbeland;
die liegen irgendwo im osten, in polen irgendwo. es stützn mit den
totn schultern sich die steine. auf denen keine steinchen liegen, alte
markierung aus dem orient. ein buntspecht morst. tegetthoffblauer
himmel über der wienerstadt. erddellen zugewuchert, holperichte trichter
an vielen gräbern schäden aus der bombenzeit. teils sind die deutschen
namen neu poliert. schriftzüge nachgepinselt: die blaustein, braunstein,
löwenrosen, ziffer; die steinherz, tänzer, zimet, weichherz hießen oder
teitel, oder zweifler oder frauenglas. der gelbknopf sonnenfeld, die
ganzen toten traklfarben, die löwenrosen, die lang vor toresschluß,
zu hause tote durften sein (ton aus) während rangiergeräusche,
augn, die sprecher und die siebenschein, ein buntspecht gibt den
kahlen stämmen die signale. dann quietscht es wieder, drübm,
schriller pfiff; die wagen überm stahl, die rucken an. ausfresser,
tänzer, morgenstern, gesang. die laster, zimet, winterstein. wild-
wuchs, buchse, die jahre über reihen, gruppen, über den verstand.
pollak, sprechendes augenfeld: es stützn mit zerstörten schul-
tern sich die steine. auf denen einfach keine steinchen sind.
Extrait de : Thomas Kling: Fernhandel, DuMont 1999.
[Jean-René Lassalle]
Thomas Kling dans Poezibao :
bio-bibliographie (par Jean-René Lassalle]