Je veux des maisons closes.

Publié le 08 juillet 2014 par Junkan @JunkanMood

Je lis ce soir que la pénalisation des clients de prostitution a été retirée de la proposition de loi liée au plus vieux métier du monde, et ça me replonge dans l'incohérence de ce débat.
Vu mon titre, vous aurez compris que je ne suis pas tout à fait en accord avec le fait d'essayer de pénaliser au maximum tous les acteurs de ces échanges. Pour autant, je ne crois pas que le problème soit simple à régler. En fait c'est même pire que ça : je ne pense pas que le problème soit possible à régler. Je ne suis même pas sûre qu'il s'agisse d'un problème.
Je m'explique.

La prostitution - mettre son corps à disposition d'une autre personne en échange d'argent ou d'une autre forme de compensation - doit être encore plus vieux que n'importe quelle loi. "Hey, je veux cette chose que tu as mais je n'ai rien d'autre à t'offrir en échange que moi-même, deal?". Je pense qu'à la lointaine époque du troc, avant même qu'il soit question d'argent, ça devait se croiser régulièrement.
Est-ce que c'est bien, est-ce que c'est mal, est-ce que c'est se rabaisser? Je crois que personne ne peut en juger à part la personne qui décide de vendre son corps. Mais si c'était aussi simple, le Sénat ne serait pas en train de voter des trucs à ce sujet, évidemment. Parce qu'il a fallu qu'un jour un mec se dise "Hey tu sais quoi? Moi, je veux pas vendre mon corps, mais je pense qu'avec le tien on peut faire affaire. T'as l'air d'être à la rue alors voilà ce que je te propose : tu couches avec des gens, tu me reverses une part de ce qu'ils t'offrent en échange, et en contrepartie je te nourrie et je te loge, deal?". Et là la 1ère personne a avoir dit "ok" devait pas avoir la lumière à tous les étages parce que quitte à vendre son cul, autant garder tout l'argent pour soit pour se nourrir et se loger. Mais bon, c'est fait c'est fait et si on ajoute à ça le pouvoir de la peur, de la pression et tout le tralala, ça donne : le proxénétisme. Genre le mauvais, celui qui mène aux réseaux de prostitution et qui est aujourd'hui le fond du problème.
Parce qu'en soit, la société, qu'une personne décide de se prostituer dans son coin, elle s'en fout pas mal. Mais qu'elle se fasse exploiter pour ça, ça passe moins bien. Et heureusement quelque part. Sauf que pour moi le problème n'est pas du tout bien traité. Je ne vois pas en quoi pénaliser les prostituées - qui ne sont généralement pas là de gaieté de cœur - et les clients, qui personnellement, s'ils ne tombent pas dans la violence ne me dérangent pas, va régler le problème de l'exploitation.
À quel moment les mecs qui pondent toutes ses propositions de loi ont pensé que les proxénètes allaient réagir un peu dans le genre "pfiouuu le boulot c'est pas facile facile ces temps-ci, nos putes se font arrêter sans arrêt dès qu'elles sont trop évidentes, les clients se font rares parce qu'ils ont peur de se faire choper, on va peut-être fermer boutique hein, ça sera mieux." ?  Bah non, ils vont juste faire ça ailleurs. Le client qui se paye les services d'une prostituée n'en a pas soudainement l'idée parce qu'il passe devant la gare et qu'elles sont là, il va juste là où il sait qu'elles sont, et si ça doit être dans des sous-sols dégueulasses, ça se fera toujours. Donc déjà, à mon humble avis, ça ne va pas résoudre grand chose à part pousser les macs à être encore plus imaginatifs et vicelards.
Et puis après y'a le souci de la prostitution en elle-même. Parce qu'évidemment je ne souhaite à personne d'avoir besoin d'en arriver là. Je ne peux pas prôner la prostitution même si je pense qu'elle est nécessaire. Certaines personnes ont un besoin de contact, de tendresse, de parler et de sexe aussi (oui parce que croyez-le ou non, c'est pas toujours que pour le sexe), et si ça peut leur permettre d'évacuer plutôt que de faire des conneries, c'est pas plus mal. Mais ça fait quand même un peu chier pour ceux qui se prostituent, donc je ne peux pas être clairement pour. En attendant, c'est là, ça existe, et je suis un peu partisane du "chacun sa vie, chacun ses décisions, chacun sa merde" pour ça.

J'en arrive aux maisons closes du coup. Je ne comprends pas qu'on ne fasse pas un retour en arrière à ce sujet. Pour plusieurs raisons : la plus évidente, la sécurité. Offrir un lieu où les violences sont limitées par le cadre et la présence d'autres personnes, où le proxénétismes est géré par des contrats légaux, et où les travailleurs du sexe ont les mêmes droits que les autres travailleurs. Faire du plus vieux métier du monde un métier aux yeux de la loi. Il est difficile de comparer ce boulot avec d'autres, et si je commence à dire "après tout y'a d'autres métiers où on vend son corps, pour la force physique par exemple", je vais me faire lyncher. Mais en même temps je le pense un peu, même si la dimension sexuelle et estime de soi est trop particulière pour pouvoir être comparée. Malgré ça, je trouverai ça bien de donner un cadre légal à cette activité. D'ailleurs, je parle de maisons closes mais ça pourrait tout à fait s'imaginer en indépendant. Oui, y'aurait des charges, ok, mais n'est-ce pas un moindre mal vu qu'il y aurait aussi des retraites, une protection sociale et tout le reste?
Arrivé à ce stade, si vous ne pensez pas encore que je suis dingue, vous vous direz peut-être "ça ne règle pas le côté immoral du proxénétisme tes maisons closes!". C'est vrai. Effectivement, le patron ou la patronne du lieu se ferait du blé parce que d'autres gens vendent leur corps, et on ne peut pas dire que ça colle vraiment avec nos mœurs. Mais au moins ça serait réglementé, surveillé, et si on ne peut pas faire grand chose pour la morale, ça limiterait peut-être les dégâts. Vouloir éliminer la prostitution est pour moi totalement inimaginable. La cadrer beaucoup moins. Dans un monde parfait, tout ça donnerait peut-être envie à certains macs de faire ça à la légale histoire de ne pas risquer la taule. Ou parce que toutes leurs filles iraient plutôt vers un lieu sécurisé que vers eux. Et peut-être même que certaines jeunes filles y réfléchiraient à deux fois avant d'aller passer un "entretien d'embauche", trouvant une autre solution à leur manque d'argent, alors qu'aujourd'hui il suffit de poser une annonce sur le net et de se retrouver face à un mec qui a juste besoin de cogner quelqu'un.
 
Vous me direz peut-être que je rêve tout debout, mais c'est pas grave : c'est un sujet qui me touche et si je ne prétends pas pouvoir changer le monde, je me dis que si tout le monde prenait la peine d'y réfléchir un peu, on trouverait peut-être de bonnes idées.
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