(Par avance, mes excuses pour la longueur inconsidérée de ce billet. De toute évidence, mon silence forcé m'a rendu encore plus bavarde... était-ce bien nécessaire ?!)
J'ai rencontré un soir un grand bavard très avenant. J'ai voulu savoir ce que pouvait bien faire cet intarissable gesticuleur dans la vie. Sa réponse : coach séduction.(Alors bon, j'ai d'abord eu envie de lui répondre "et moi, je suis la cadette de Catherine Deneuve". Mais finalement, ce tchatcheur était vraiment coach séduction)
Deux points m'ont interpellé.
Les coach séduction ça existe vraiment et y a vraiment des gens qui ont recours à leur service. Merde alors ! Faut être sacrément désespéré pour en arriver là, non ? Le jour où se paie des cours de drague, c'est qu'on s'est pris un bon paquet de rebonds dans la tête et qu'on en vient au terrible constat auto-flagellateur : ok d'accord, je suis un boulet de la branchouille, un naze de la drague, un blaireau de l'accostage. Dur, dur.
Mais c'est le second point qui m'a bien plus choqué, interloqué et autres mots en -oqué (non, bilboquet ça marche pas... j'ai pas dit en -oquet, bon sang et l'orthographe alors !) : on peut donc apprendre à draguer ? Ce qui laisserait entendre qu'il y aurait des techniques imparables ? Et que certains hommes les maîtriseraient au point de les enseigner ?
Après avoir agressé demandé à mon interlocuteur s'il ne fallait pas une sacrée dose de prétention pour devenir coach séduction, j'assistai à une démonstration de haut vol sans filet ni mousqueton au bout de l'élastique (je mélange plusieurs disciplines là, non ?) dudit jeune homme jamais à court d'arguments - never at short of arguments devrais-je plutôt dire, puisqu'il m'a montré que le franglish était toujours en vigueur dans les soirées mondaines - pour me prouver son humilité et défendre la thèse du "il y a des techniques de drague, bien sûr petite naïve, et elles s'apprennent".
Ne vous inquiétez pas mesdames, je nous ai défendues bec et ongles face à cet érudit de l'accroche, à coup de "chaque femme est différente" et autre "mais les mecs timides, ça plaît davantage, tu sais ?".
Chacun est ainsi resté campé sur ses positions et en rentrant chez moi ronde comme une queue de pelle, je continuais de penser que c'était quand même un métier complètement saugrenu. Qu'il aide les hommes désespérés à reprendre confiance en eux, c'est un fait, mais qu'il prétende leur donner les clés de la drague qui marche à tous les coups, c'en est un autre.
Et pourtant, aujourd'hui, j'y repense et je me dis pourquoi pas. A cause du pigeon. Comment ça vous ne voyez pas le rapport ? Mais si, voyons !
Le pigeon, l'oiseau - l'un des seuls - qui n'arrive à séduire personne, qui s'enchaîne vent sur vent, rateau sur rateau, et pourtant c'est pas faute d'essayer d'attirer votre attention en plaçant votre tête au centre de sa trajectoire de vol.
Trouvez-moi une seule personne désireuse d'adopter le pigeon qui tente de faire connaissance, de lier contact en se posant sur son balcon. Vous voyez, c'est bien ce que je disais ! Le pigeon, à cause de son approche pour le moins maladroite, ne nous laisse entrevoir que ses défauts : beurk, il ne se lave jamais, il pue, il est adepte de la malbouffe, et encore je ne parle pas du pigeon parisien (... par peur des représailles : un groupe de pigeons parisiens a vandalisé la voiture des voisins pour moins que ça y a 3 jours)
Allez, au mieux, le pigeon saura attendrir la petite mamie qui s'ennuie au parc et lui offre sa semaine de croûtons de pain du bout des doigts. Mais le pigeon, au fond, il préfèrerait que ce soit la jolie minette du banc d'à côté avec sa jupe ras-le-bonbon et sa frange-casque, celle-là même qui le snobe derrière ses vitres teintées/lunettes Police, qui vienne lui gratter la tête.
Tout comme l'homme qui ne sait pas draguer. Y aura toujours une gentille vieille pour lui taper la discut' à l'arrêt de bus tandis qu'il regardera passer devant lui, dépité, la gazelle hautaine perchée sur talons de 11 cm qui roule de l'arrière, celle-là même qui ne le verrait toujours pas s'il se lançait dans un show de claquettes improvisé sur le trottoir en chantant sous la pluie.
Seulement voilà. Figurez-vous que le pigeon, pourtant looser-né, peut trouver une technique imparable pour séduire n'importe laquelle d'entre nous : s'il enchaîne le fameux coup de la cuisson parfaite avec le tout aussi connu mais tellement apprécié coup du sucré-salé, il devient tout simplement irrésistible.
Pigeon séducteur sur son coussin acidulé de chutney à la pomme
Pour 2 personnes
- 1 pigeon préparé, i.e. vidé et "épatté" (je suis une princesse que voulez-vous, je n'ai donc pas procédé à cette étape)
- 2 tomates
- 2 pommes Golden
- 1 gros oignon
- 1 à 2 cuillères de miel liquide
- sel
- huile d'olive
Le chutney :
Monder, épépiner et concasser les tomates. Peler et ciseler l'oignon, peler les pommes, les épépiner, en couper 1 et 1/2 en dés et la dernière moitié en 6 tranches pas trop fines.
Chauffer le miel dans une casserole. Y déposer l'oignon et le laisser revenir quelques minutes. Ajouter ensuite les dés de pommes, faire revenir toujours sur feu moyen. Terminer par la tomate, saler, baisser un peu le feu et laisser cuire quelques minutes, de façon à obtenir une "compote".
Le pigeon :
Préchauffer le four à 210°C.
Saler le pigeon sur les deux faces. Le faire revenir dans une poêle (qui passe au four sinon vous allez avoir des problèmes - cf un peu plus bas) avec un filet d'huile d'olive, en commençant par le côté peau. Au bout de quelques minutes, retourner la bête pour faire dorer l'autre côté. Déposer les quartiers de pomme dans la poêle et enfourner l'animal pour environ 15 minutes (pour une cuisson rosée, ou plus longtemps si vous l'aimez bien cuit... bouuuuuh, c'est mal !).
L'assiette finale :
Déposer un coussin de chutney au centre de chaque assiette. Lever les filets du pigeon (plus facile à dire qu'à faire, d'autant que c'est chaud, oui, oui, je sais), poser un filet sur chaque coussin, répartir les quartiers de pomme caramélisés et la sauce de la poêle.
A noter que mon gentil chef prévenant avait fait longuement confire les "pattes" dans du beurre avant mon arrivée (miam !) et qu'on avait préparé des fagots de ce que j'ai appelé des micro-frites : pommes de terre coupées à la mandoline puis chaque tranche détaillée en... micro-frites justement, réunies en fagots ficelés fermement avec mes petits doigts musclés puis cuits dans du beurre clarifié (re miam !).
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Faut dire que sans son coach séduction - Sébastien Dagoneau* - le pigeon serait resté un boulet repoussant. Bah oui, d'autant que c'était vraiment mal barré pour lui (le pigeon, pas Sébastien) : il me suffisait d'entendre son nom pour que mon corps tout entier soit secoué par un rire sarcastique. Pigeon ! (ça marche encore, tiens !, je ricane)
*Le chef de l'atelier Guy Martin : l'atelier Guy Martin, c'est une nouvelle école de cuisine, très belle, rue de Miromesnil dans le 8ème. Trois cuisines sur 3 étages où l'on apprend à préparer les recettes de, ou adapted from, Guy Martin, dans la bonne humeur et la simplicité.
Voici ce que lui (Sébastien, pas le pigeon) et moi y avons préparé un midi à 4 mains :
Saint-Jacques lutée aux légumes croquants, citron vert-gingembre, pigeon sucré-salé, et pour finir, le dessert d'Olivier Paris, pâtissier hors pair : crème brulée wasabi, tartare de fraises, pain perdu, sorbet fraise (tout simplement !).
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Mais je m'égare. La morale de cette histoire (parce qu'il y a une morale, si, si), c'est que, d'une part, il vous faut absolument tester cette nouvelle école.
Et que, d'autre part, on a beau dire qu'on n'est pas des filles comme ça, qu'on renifle les plans drague à 3 kilomètres et que ça nous colle de l'urticaire, ce n'est pas tout à fait vrai.
Gageons que lorsque c'est bien fait, selon quelques techniques universelles MAIS pleines de finesse, on tombe sciemment dans le panneau.
Parce que ça peut être délicieux.