Article publié sur le site du Figaro Vox le 7 juillet 2014.
« Notre amie c’est la finance, la bonne finance». Cette déclaration de Michel Sapin, ministre-clef du gouvernement et proche entre les proches de François Hollande, aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence le 6 juillet, est étrange, pour dire le moins. Le ministre a visiblement tenté un trait d’humour qui s’il a fait rire une salle convaincue apparaît comme une marque d’amateurisme, de désinvolture et même de cynisme.
Cette déclaration, visiblement intentionnelle, renvoie d’abord l’image d’un amateurisme politique étonnant à ce niveau de responsabilité. Michel Sapin n’est en effet pas un débutant et sa communication devrait être parfaitement maîtrisée. La première victime de ce «bon mot» du ministre est en effet son propos de fond lui-même. On retiendra celui-là alors qu’il était venu pour faire passer celui-ci, c’est-à-dire l’accent mis par le gouvernement sur la régulation des activités financières les plus spéculatives (la «mauvaise finance») et l’encouragement de la «bonne finance», celle qui permet le financement de l’économie, notamment de l’innovation. Le trait d’humour ministériel a éclipsé le propos de fond qui même si l’on n’est pas d’accord avec ses présupposés mérite un débat.
Le ministre aurait dû, ensuite, se souvenir, avant de vouloir faire rire son auditoire, de la phrase de Pierre Desproges: «on peut rire de tout mais pas avec tout le monde». Vouloir amuser un parterre composé pour l’essentiel de hauts dirigeants d’entreprise, de banquiers et de journalistes économiques, en retournant la phrase emblématique du discours du Bourget de François Hollande («mon adversaire, c’est le monde de la finance») est un acte profondément désinvolte. Surtout pour un ministre socialiste dans un gouvernement qui se proclame de gauche – dont les membres ne sont pas les derniers à citer, par exemple, Jean Jaurès comme référence! Et ce d’autant plus que le pays souffre tout particulièrement des conséquences de la politique d’austérité et d’ajustement des comptes publics dont Michel Sapin a la charge.
Enfin, une telle attitude n’est pas seulement désinvolte, elle témoigne aussi d’un cynisme à toute épreuve. Un cynisme à l’affichage cru et brutal qui nourrit une défiance déjà grande des Français vis-à-vis de leurs dirigeants politiques. Car ce qu’a dit le ministre dimanche, c’est bel et bien qu’il ne faut jamais croire aux discours de campagne même quand ils sont prononcés avec la main sur le cœur et les accents de la sincérité, même lorsque celui qui les tient dit que cette fois il a compris, qu’avec lui ce sera différent! Si chacun peut entendre et comprendre que la conquête et l’exercice du pouvoir sont deux moments différents de la vie politique, il est indispensable en revanche de les relier par un discours commun afin de rendre l’ensemble cohérent. Ce qu’a fait Michel Sapin c’est de montrer qu’il n’y a pas de lien entre les deux, que l’action du président de la République n’a finalement rien à voir avec la parole du candidat.
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