Assez souvent, ces auteurs de BD disposent de moyens financiers plutot confortables. La BD, art visuel par essence, est de ce fait, assez facilement transportable sur grand écran, et dans la plupart des cas, le public est au rendez-vous. Riad Sattouf qui a connu un beau succès critique et public en adaptant librement son manuel d'un puceau sous le titre "Les beaux gosses", est évidemment l'exemple à suivre, même s'il connu une suite plus mitigée avec son second Jacky au royaume des filles, qui n'a pas vraiment convaincu.
Un cran en dessous de Sattouf, Pascal Rabaté, illustrateur reconnu dans le milieu de la BD avec notamment une adaptation en bande dessinée du roman d'Alexis Tolstoï Ibicus qui lui valu un succès critique et public notable, continue son petit bonhomme de chemin au cinéma depuis 2010 sans avoir pour le moment renontré le vrai succès.
Après une mise en image de sa propre BD, "Les petits ruisseaux", l'histoire d'un septuagénaire qui retrouve une certaine vigueur auprès de la gent féminine( voir ma chronique ici même) puis tenté une experience assez radicale de films sans dialogues à la Jacques Tati avec son second long métrage "Ni à vendre ni à louer", il sort, à partir de demain, un troisième long métrage, "Du Goudron et des plumes" que j'ai eu la chance de voir il y a plusieurs semaines au Ciné Comoedia dans le cadre du Festival Lyon BD.
Le long métrage montre un homme fils d’immigré marqué par son passé, qui cache plusieurs facettes: papa poule, commercial, amoureux… Le héros papa poule divorcé, adore sa progéniture. Son amour illumine chacun des échanges liant le père et la fille. Le suivre a été fascinant. Christian semble apprécier la vie. La bonne chair dans tous ses états. J’ai souri devant la découverte de sa maison, de ses voisins. Son quotidien se retrouve chambouler un beau jour entre la rencontre avec une mère séparée enceinte et son entrée dans l’équipe sportive de sa ville pour un festival. Isabelle Carré arrive comme une douceur. Elle rayonne. Elle transporte. Elle apporte des nouvelles perspectives dans son sillage. Comment ne pas succomber à son charme? Sa fille est la meilleure amie de celle du héros. Comment ne pas se rapprocher? Les autres protagonistes interprétés par Daniel Prévost (père aimant, rempli d’humour et de bons mots), Zinedine Soualem ou Talina Boyaci sont aussi divins.
L’héroïne pousse Christian à se remettre en question. A changer. La métamorphose opère petit à petit. Les dialogues offrent des répliques savoureuses. La romance teintée d’un côté décalé, timide par rapport à la personnalité du héros touche. Une histoire fragile. Sous nos yeux, un conte moderne satirique se pose sur les jugements des autres, sur le regard sur les immigrés, sur les couples mixtes, sur les parents et leur enfants. Le questionnement de Christian pousse à se découvrir lui-même non sans commettre des erreurs. Il semble s’ouvrir au monde, le découvrir sous un autre oeil pour ravir les coeurs des spectateurs.
Du Goudron et des plumes se comprend au fil des scènes. Les différents échanges, les va-et-viens, les ruptures, les rapprochements, toutes les aventures d’une vie condensée en un aperçu drôle, attachant. Le film montre un ton frais, dynamique, mordant parfois qui offre à Christian une chance d’être heureux peut-être.
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Le cinéaste-illustrateur était d'ailleurs présent à cette occasion pour présenter son film, en compagnie de l'acteur principal du film, l'excellent Sami Bouajila, qu'on n'avait plus vu derrière une caméra depuis trois ans et qui retrouve ici un excellent rôle, complexe et très riche à défendre.
En effet, le Christian de ce "Goudron et des plumes" offre plusieurs facettes : à la fois papa poule qui se remet mal de son divorce et de voir aussi peu sa fille, commercial un poil véreux sur les bords, fils d'immigré marqué par le racisme et la difficulté de s'intégrer et également homme amoureux qui hésite à s'engager dans une nouvelle histoire d'amour avec la mère d'une de ses copines, et enceinte de surcroit (la toujours délicieuse Isabelle Carré, mais dans un rôle un peu proche de ce qu'elle a souvent joué), ce personnage offre donc un bel écrin à Sami Bouajila qui l'utilise à merveille, notamment avec les très belles scènes qu'il a avec Daniel Prévost, son père, touchant, et son frère Zinedine Zoualem, hilarant en dépressif qui tient un magasin de farce et attrapes.
A l'image de ce dernier, "des Goudrons et des Plumes" conserve un petit coté décalé dans ses personnages et ses situations, qui pourrait lui faire lorgner du coté d'un Wes Anderson, mais avec plus d'empathie pour ses personnages et moins de nonchalance dans son scénario (vous le savez que je suis pas fan d'Anderson, n'est ce pas?)...
Le cinéaste trouve la bonne distance entre l'univers un peu burlesque de ses BD, et peinture réaliste et humaniste d'une petite ville de province (Montauban) marqué par l'ennui et les conflits de voisinage.
Rabaté ne fait montre d'aucun cynisme envers les personnages, simplement un regard amusé et tendre. En empruntant des images, des décors un peu datés, une volonté de créer le décalage par un cadre finement composé et des situations loufoques pleines de poésie, ce troisième long métrage de Rabaté est sans doute son plus réussi.
Mais le film est plus profond qu'en apparence, car il a notamment l'intelligence de confronter, mine de rien, différentes cultures en toile de fond : une culture ouvrière, de classe, qui se meurt et qui était creuset d’intégration, une culture télévisuelle, fédératrice mais superficielle, et une culture internet avec des réseaux sociaux créateurs de liens sociaux aussi virtuels qu’inopérants.
Grâce à de jolis dialogues, une belle interprétation, des répliques savoureuses, et, cerise sur le gateau, une romance assez touchante, "Ce Goudron et des plumes", dans la lignée d'un Tristesse Club que j'avais déjà défendu récemment, est une jolie comédie décalée, intelligente, et surtout particulièrement plaisante à suivre, que je vous recommande sans l'ombre d'une hésitation.
Bande-annonce : Du Goudron et des Plumes - VF