La première fois, j'y allais pour les études, pour découvrir, pour réaliser un rêve. La deuxième, pour y rester, voir du pays, travailler, me fondre dans la masse.
La troisième, en famille, pour transmettre, créer un lien, planter des racines, acheter un appartement, la totale. Et puis de l'eau est passé sous les ponts. Un tsunami, plutôt. La rupture avec le pays, parmi tous les déchirements, a été rude. Llajtay blues. Pour accuser le coup, je n'ai plus lu les journaux, plus mangé de quinoa, plus écouté Norte Potosi, plus voulu en entendre parler. J'ai pris le grand grand large. Et nous voilà revenus à la case départ. L'angoisse monte. C'est toujours le même pays, mais plus comme avant. Est-ce un mal ? Est-ce un bien ? L'enthousiasme n'est plus là. La peur, un peu. De me sentir perdue. De ne plus rien comprendre. De ne pas trouver mes marques. De m'emmerder à 100 sous de l'heure. On me dit "waou ! Quel beau voyage !" et je songe "bof... Je serais tellement mieux assise dans mes alpages..."
Allez, demain, c'est décidé, je m'y mets. J'ouvre une valise, juste pour vérifier que je ne vais pas tomber là-dedans dans un précipice. Parfois, quand on est enfant, on demande à maman de vérifier que le loup n'est pas sous le lit, le soir, avant de dormir. Un truc dans le genre. J'imagine. Demain, j'achète le Routard et je reprends tout depuis le début. La Bolivie ? Connais pas. Hâte de découvrir...