J’entame le premier polar acheté – et dédicacé par l’auteure – lors du salon « Saint-Maur en Poche » et qui fait ma provision de lectures pour l’été. C’est un thriller culinaire qui nous transporte près des sublimes espaliers de Jean-Baptiste de La Quintinie, génial jardinier qui créa des merveilles de fruits et de légumes pour la plus grande gloire et plaisir du Roi-Soleil.
Nous sommes en 1683 et suivons les aventures de Benjamin Savoisy, deuxième garçon jardinier du Potager du Roy et époux de Ninon, l’une des plus habiles bouquetières de la Cour. Il est beau, un peu taciturne, ne supporte pas les pleurs de sa fille nouvelle née, rêve d’expédition botanique à travers le monde pour découvrir de nouvelles plantes.
A travers lui, on prend conscience de ce que pouvait représenter la logistique de l’approvisionnement quotidien du domaine de Versailles, avec ses foules de courtisans et d’officiers de bouche et leur hiérarchie pleine de morgue, sans compter les périls de tout ce qui touche à la table du roi, très attentif à recueillir les premiers et meilleurs fruits qui puissent se cultiver sous le ciel d’Île-de-France. Le Potager du Roi est encore aujourd’hui un lieu d’exception à visiter absolument.
La ferveur de la connaissance, au début de l’ère des Lumières, portait entre autres sur la botanique – par exemple la folie des bulbes de tulipes en Hollande - à un point que nous n’imaginons nullement. L’intrigue policière qui sert de prétexte au roman repose sur une série de meurtres perpétrés dans les champs de melons, eux-aussi écrabouillés. Un escroc criminel, assisté d’une espionne aussi blonde que sublime, pense réaliser une spéculation à l’échelle européenne sur les graines d’un melon exceptionnel pouvant pousser sous toutes les latitudes, toute l’année, en un mot, le melon perpétuel. A une époque où l’on ignore encore le rôle du pollen et où l’on réfute l’idée que les plantes puissent être sexuées, ce n’est pas si absurde …
L’ouvrage nous accompagne dans une course poursuite entre Versailles, Amsterdam, Londres, avec la rencontre de multiples personnages célèbres et des références scientifiques multiples qui alourdissent un peu le propos. On appréciera aussi les traductions littérales de locutions anglaises empruntées à l’ouvrage « Skay, my Husband » de Jean-Loup Chiflet, ainsi que le carnet de recettes d’époque en fin de volume.
Un polar troussé comme une volaille, avec du suspens et des scènes parfois très lestes, beaucoup de couleurs, de saveurs et de senteurs, vite absorbé … sans arrière-goût mais qui ne laisse pas de souvenir impérissable.
Meurtres au Potager du Roy, roman noir et gastronomique sous Louis XIV, par Michèle Barrière, Agnès Viénon Editions, au Livre de Poche. 380 p., 7.10€