Départ câblé : se tenir pour ne pas tomber
La tête n'y est pas. Les pieds auront donc la rude tâche de me sauver, en ce week-end désolé. J'avais mis une option sur le Pic du Mas de la Grave. Je me résous, avec les pires difficultés, à me mettre en marche. Arrivé aux abords de Bourg-d'Oisans, les panneaux indicateurs indiquent, ça tombe bien, la fermeture du col du Lautaret, ça tombe mal, pour cause de "Marmotte cycliste"; et la marmotte elle...Chute(s)
D'une désolation l'autre. Que faire? Rentrer, tout penaud. Aucun plan B de prévu. Y a Belledonne pas trop loin, mais je suis allé déjà au Lac de Belledonne. Les Sept Laux? Pour sortir la tête de l'eau. Bon, allez... mais aucune carte du coin. Je sais juste que le départ est aux alentours du Rivier d'Allemont. Sur la route, je scrute les poteaux jaunes et finis par trouver le point de départ, au niveau de la Cascade des Sept Laux.
Lumière et Ombre
Tout est machinal et je commence un pas l'autre... Ça va se monter au courage. Grimper ou sombrer. L'oppression psychologique se traduit par un point de côté... elle est bien bonne celle-là! Il faut dire que la montée est très raide.
Je prends les événements du parcours comme autant de récompenses. Les cascades qui déversent et qu'on traverse sans cesse, les raides pentes magnifiquement fleuries et ces papillons qui volent virevoltent et butinent d'une fleur l'autre... Des lys orangés!... première fois que j'en croise. Petite émotion. Les Martagon encore en bouton, les St-Bruno eux bien fleuris. Des fraises des bois!... Je les lave, et l'une dévale dans la cascade. Éloignement irrémédiable et fatal.
Je continue. Soleil tapageur et nuages attristants alternent. Et enfin, un replat, un premier petit lac, étonnamment éclairé. Juste au-dessus, le lac de la Sagne. L'ambiance y est très morose. Des pêcheurs ne pêchent plus. Passage sur les berges "dangereuses" dans un chaos rocheux. K.-O.
Durch Leiden Freude
Puis, c'est le lac de la Corne. Et la montée au Col des Sept Laux, durant laquelle le ciel rend le paysage d'une immense tristesse. Durch Leiden Freude, comme dirait Ludwig van, j'ai marché. Un regard vers la bergerie esseulée. Et un autre vers une petite dépression qui m'accueillera bien pour le bivouac.
Bivouac
Quelques rayons de Soleil reviennent, puis plus franchement. Les lacs offrent des jeux de lumière assez magnifiques. Je monte la tente pendant que le Soleil prend le dessus. Avant le repas, je monte au-dessus et au hasard Balthazar, dans l'état d'esprit de Balthazar portant la Douleur du Monde, et autour ce n'est que ravissements. La vue se dégage, fleurs, lacs, gouilles et méandres, icebergs... au loin, des chamois traversent pierriers et névés, redescendant de leur escapade pour la nuit.
Crépuscule d'une idole
Je redescends au bout du rouleau, jette un regard vers le Grand Pic de Belledonne, et vais me coucher. La solitude est à son comble.
Moments magiques inoubliables
Réveil difficile le lendemain matin. Aux premiers rayons sur la tente, je sors, et c'est l'éblouissement. Quels moments magiques on peut vivre!... Petit-déjeuner tranquille, nostalgie en repliant la tente, et descente lente, en croisant dans le mur le petit train des randonneurs du jour. Encore et toujours à contre-sens. Retour à la case départ. C'est fait. Il fallait le faire. Les souvenirs seront inoubliables. Sortir de route mais pas perdre les pédales.