Alors quand j'ai appris la venue en France de cette artiste, aujourd'hui âgée de 66 ans, pour une signature j'ai vraiment regretté de ne pouvoir la rencontrer.
La consultation de son site accentua ma déception et j'ai dû me contenter de la monographie qui vient d'être publiée aux Editions Dilecta dans une édition bilingue.
Les textes de Michèle Gazier, les poèmes du frère de Rotraut, Günther Uecker, et d’André Verdet, offrent le récit de toute une vie, celle d’une artiste. Ils permettent de comprendre l’énergie qui l’anime et qu’elle retranscrit inlassablement dans ses œuvres.
L'ouvrage est très complet, très illustré. L'auteur situe sa première rencontre avec les oeuvres de Rotraut à la Fondation Maeght de Saint-Paul de Vence où ses sculptures se détachaient sur le bleu du ciel telle une calligraphie.
Jusque là son geste artistique lui apparaissait comme "un ballet de signes et de formes dansantes, très colorées, pleines d'énergie, comme animées par une force intérieure" (p. 17).
Elle a rencontré ensuite Rotraut dans son appartement-atelier de la rue Campagne-Première où elle vécut jadis avec Yves Klein.
Le rapport sauvage et primitif qu'elle entretient avec la nature imprime son oeuvre. A commencer par le bord de la Baltique, en face du Danemark, qui est le lieu de son enfance et où les Russes sont arrivés, chassant les Allemands une première fois à quelques kilomètres de là, puis ensuite dans un village de pêcheurs au nord-ouest d'Hambourg.Elle a été élevée loin de l'école qui la considérait comme marginale parce qu'elle était gauchère. Elle fut par contre près de la nature et se sentira toujours en symbiose avec la mer, les animaux et les plantes.
Difficile d'imaginer qu'elle n'a jamais vraiment appris à écrire. Elle devient paysanne puis s'engagera comme domestique dans ce qui est alors l'Allemagne de l'Ouest. Le travail à l'usine l'accable. très vite elle commencera à modeler de la farine et de l'eau sur des planchettes de bois, avant de les recouvrir de peinture noire, puis de gratter celle-ci pour refaire apparaitre la lumière, en réinventant en quelque sorte la voûte céleste trouée d'étoiles (p. 37).
Elle rencontre Yves Klein à Düsseldorf en mai 1957. Il la recommande à un ami d'ami, le sculpteur Arman comme jeune fille au pair.
Yves la retrouve à Nice, lui demande de faire des Empreintes. Elle devient son assistante. Il la considère très vite comme une artiste qui est son égal.
En 1959, elle expose pour la première fois seule, à Londres. Après les années Klein (il meurt en juin 1962) et une période de deuil Rotraut décline des oeuvres de Botticelli, Gauguin, Poussin ... qu'elle désignera sous le nom de Vols de sensibilité (p. 99). Elle explore aussi l'univers en renforçant son lien à l'espace. Elle dira que le ciel est sa cathédrale.
Suivront quatre années de stérilité artistique. Les photos de Rotraut (p. 103 à 125), avec ou sans son fils, témoignent d'une très belle femme, ce qu'elle est toujours d'ailleurs.
Sa rencontre avec Daniel Moquay sera déterminante. Ils se marient, ont trois enfants et elle retrouve son énergie créatrice.
L'installation en Arizona marque les premiers "jardins" dont un exemplaire figure sur la double page ci-dessous.
La série des coeurs, à partir de 2002, évoque Nikki de Saint-Phalle bien qu'elle soit très personnelle à Rotraut. l'artiste en a fait la figure centrale de ses tableaux et le répète à l'infini.
Cette monographie est intéressante et a beaucoup de qualités. Facile à lire, elle témoigne de la philosophie de vie de Rotraut et de toutes les facettes de son art. Abondamment illustrée de photos et de reproductions de ses dessins, peintures et sculptures, c'est un complément essentiel à son site.
Rotraut de Michèle Gazier, 20,5 x 26,5 cm/ 224 pages, éditions Dilecta, juin 2014