Almost royal est une série de 7 épisodes diffusés depuis la mi-juin sur les ondes de BBC America aux États-Unis. Première comédie originale de la chaîne, il s’agit d’une fausse téléréalité dans laquelle on suit les jeunes aristocrates Georgie et Poppy Carlton (Ed Gamble et Amy Hoggart) qui font le tour des grandes villes américaines accompagnés de l’urne dans laquelle reposent les cendres de leur défunt père, Lord Carlton. Au cours de leur périple, ils rencontrent une foule d’Américains; des stars aux simples citoyens qui les initient leur culture locale. Du style de Borat : Cultural Learnings of America for Make Benefit Glorious Nation of Kazakhstan en 2006, Almost royal s’annonce comme étant LA comédie de l’été, notamment grâce au jeu subtil et convainquant des acteurs. De plus, les projets télévisuels entourant la royauté anglaise font des petits et si d’autres se sont royalement plantés, cette comédie se distingue à coup sûr.
Le vrai du faux
Georgie et Poppy sont issus de l’aristocratie et sont respectivement 50e et 51e dans la ligne de succession au trône (au troisième épisode, ils sont rendus au 75e et 76e rang!). Le père est mort lors d’une partie de chasse après s’être tiré une balle au visage par accident. Son souhait le plus cher était que sa progéniture effectue un long périple aux États-Unis; pays qu’il affectionnait tout particulièrement. Dès le premier épisode, on entre dans le vif du sujet : ils participent à un projet de téléréalité dans lequel la caméra les accompagne, d’abord à Los Angeles, à Boston, au Texas et autres destinations ultérieures. À LA Par exemple, ils visitent un renommé chirurgien plastique, les plateaux du soap The bold and the beautiful en compagnie de l’actrice Kim Matula et Poppy passe même une audition. À Boston, ils se rendent à un rassemblement du Boston tea party (ils sont d’ailleurs déçus qu’il n’y ait pas de thé!), participent à une recréation de la guerre d’Indépendance et Georgie apprend à jouer au baseball. Au Texas, ils enregistrent un album et sont invités à assister à une vente aux enchères dans une foire agricole. Quel est l’intérêt de voir ces privilégiés immiscés dans la culture américaine? Aucun et c’est bien là tout le charme d’Almost royal.
Depuis au moins une décennie, on nous saoule (le mot est faible) avec toutes sortes de concepts plus insipides les uns que les autres mettant en vedette des gens qui n’ont d’autres mérites que d’être filmés par une caméra. Le terme téléréalité ne pourrait être plus erroné puisqu’on effectue un montage aux émissions et que les participants ont tendance à exagérer leurs émotions dans le but de donner un « bon show ». Dans la série de BBC America, c’est le fait qu’ils fassent semblant de participer à ce genre d’émission qui la rend divertissante et dans ce cas-ci, ce qu’on voit à l’écran semble encore plus véridique en raison de deux facteurs. Le premier est que jamais Georgie et Poppy ne surjouent. Blasés, feignant la politesse ou un minimum d’intérêt tout en lançant quelques subtiles piques à leurs interlocuteurs, ils s’expriment très bien et pour peu, on serait porté à croire qu’il s’agit de vrais aristocrates ou du moins, l’idée qu’on s’en fait.Le deuxième facteur concerne les gens ou groupes qui leur font visiter les villes. Sont-ce des acteurs ou de vrais Américains? Jamais on ne donne leur nom de famille et tous ceux qui ont fait une critique sur la série admettent ne pas savoir sur quel pied danser. Comme l’écrit Pierre Langlais dans son texte : « Inégaux, les sketchs reposent sur les questions candides des héros, censées mettre dans l’embarras leurs interlocuteurs ».
Dans Almost Royal, on se moque bien entendu des Anglais, mais bien plus du format abrutissant qu’est la téléréalité. Certes Georgie et Poppy disent quelques stupidités du genre « I like animals : I like eating and wearing them », « Is the Playboy Mansion where that old man lives with his daughters? » ou encore lorsqu’ils se disent fiers d’être des « friends with benefits », pensant que ça veut dire qu’ils sont à la fois frères et sœurs et amis, alors que dans le jargon américain, ça signifie des amis qui ont aussi des relations sexuelles. Dans ce cas-ci, ce sont des acteurs qui improvisent à merveille alors que dans d’autres cas comme The simple life mettant en vedette les riches héritières Nicole Richie et Paris Hilton, il s’agissait d’une stupidité malheureusement bien réelle. Et cette téléréalité a duré cinq saisons…
Le vent en poupe de la royauté
Il est de ces courants dont on peine à expliquer l’engouement, mais la royauté sert d’inspiration à plusieurs ces temps-ci. Outre Almost royal, Fox lançait à la mi-mai la téléréalité (une vraie cette fois-ci) I wanna marry harry dans laquelle des Américaines traversaient l’Atlantique en espérant être l’heureuse élue choisie par un riche aristocratique inconnu, mais ressemblant comme deux gouttes d’eau au prince Harry. Tous les épisodes misaient sur l’ambiguïté du personnage et la crédulité des participantes. Des cotes d’écoute cependant catastrophiques ont eu raison de cette série qui a été annulée après quatre diffusions. Puis, en 2015 est attendue The royals commandée par E! qui mettra en scène une famille royale britannique fictive vivant dans l’opulence (champagne, diamants, etc.) et pour le mois décadente (bande-annonce ici) : Elizabeth Hurley y tiendra le rôle principal. Enfin, Netflix a annoncé qu’elle entamerait en 2015 le tournage de The crown, inspirée de la pièce The audience de Peter Morgan. La série mettra en scène la vie de la souveraine Elizabeth II de 1952 à nos jours et qui sera axée sur les entretiens hebdomadaires qu’elle a eue avec tous les premiers ministres en fonction au cours de son règne. Et dire que certains clament que la monarchie est révolue… pas en fiction apparemment!
Qu’on soit dans le drame de science-fiction avec Orphan black ou la comédie satyrique qu’est Almost royal, les séries originales de BBC America impressionnent par leur originalité et surtout leur audace. Dans un paysage télévisuel qui en général mise trop sur des valeurs sûres, il est rafraichissant de voir une chaîne sortir des sentiers battus. Espérons que ces succès lui permettront d’élaborer d’autres fictions dans un futur rapproché.