Le titre de l’article est volontiers provocateur.
Portée par la révolution du numérique, l’autoédition est en plein essor. Aujourd’hui, tout le monde peut être un écrivain publié et vendre des livres sur Internet. Inimaginable il y a seulement vingt ans, cette possibilité est selon moi un progrès formidable car elle donne une grande liberté et permet à beaucoup de réaliser un rêve.
Cependant, quand on fait un constat lucide et lorsqu’on songe aux perspectives d’avenir de l’autoédition, la réalité est finalement bien terne. Hormis une poignée d’auteurs autoédités qui rencontrent du succès, l’immense majorité des livres autoédités ne se vend pas, personne n’en parle et ces livres tomberont peu à peu dans l’oubli éternel. Alors oui, j’ai souvent écrit que le succès n’était pas une fin en soi, que beaucoup d’auteurs autoédités ont pour simple ambition de vendre des dizaines d’exemplaires de leurs livres (à leurs proches et amis principalement) mais on peut tout de même s’interroger sur l’impact de l’autoédition sur l’industrie du livre et sur son apport à la littérature.
« L’immense majorité des livres autoédités ne se vend pas »
À qui profite l’autoédition ?
- Indéniablement à Amazon, Kobo et toutes les plateformes d’autoédition et également aux chanceux et/ou talentueux auteurs autoédités qui connaissent du succès.
- Aux lecteurs ? Je n’en suis pas sûr. Certes, les livres autoédités sont généralement moins chers et l’offre de livres est plus importante mais un lecteur recherche un bon livre, qu’il soit autoédité ou non, je ne suis pas certain que le prix soit un élément déterminant.
- Aux auteurs autoédités ? Certes ils réalisent un rêve (ce qui est déjà bien) et se constituent un lectorat (même réduit) mais c’est à peu près tout. Dans l’immense majorité des cas, un auteur autoédité publie son livre, fait beaucoup de pub dessus, enregistre des ventes (plus ou moins importantes) mais trois mois après (six mois pour les plus chanceux), il ne se passe plus rien, le livre a vécu et est tombé aux oubliettes. Bilan de l’aventure de l’autoédition ? Des dizaines de ventes, une dizaine d’euros de gagnés, 1 ou 2 commentaires clients. Que s’est-il passé ? Rien. Apport pour l’industrie du livre ? Aucun (sauf pour Amazon et consorts). Apport pour la littérature ? Aucun (car même si le livre en question est un chef-d’œuvre, personne ne l’aura lu).
Combien de livres autoédités dans le TOP100 ?
Dans ces conditions, on voit bien que l’autoédition n’a pas vocation à transformer l’industrie du livre et le secteur de l’édition. Mais à l’avenir ? Est-elle une menace pour les éditeurs traditionnels ? Une opportunité ?
Qui est menacé par l’autoédition ? Pas grand-monde.
- Pas les éditeurs traditionnels. La quasi-totalité des auteurs autoédités n’auraient jamais été publiés par un éditeur traditionnel (d’une part parce que beaucoup de livres autoédités sont « mauvais » et d’autre part parce que ces livres présenteraient trop de risques : aucun éditeur ne serait prêt à investir sur de tels livres). Et comme je le disais précédemment, je ne pense pas qu’un lecteur se détournera de l’édition traditionnelle pour l’autoédition : il veut simplement lire un bon livre, quel que soit l’éditeur.
- Les auteurs établis et jouissant d’une grande notoriété non plus. Je pense qu’au contraire, seuls les auteurs célèbres pourraient profiter de l’autoédition : ayant un lectorat considérable, ils seraient à mon sens capables de publier leurs ouvrages sans passer par une maison d’édition et de rencontrer du succès. Reste à savoir si les contrats les liant à leurs maisons sont suffisamment intéressants et si les auteurs considèrent que ces dernières ont une valeur ajoutée indispensable (relecture, correction, promotion…) pour se passer d’elle ou pas.
« L’autoédition deviendra de moins en moins attractive. »
À la lumière de ce constat, on ne peut que prédire un essoufflement de l’autoédition, qui continuera vraisemblablement à vivre dans son coin, isolée et sans influence. Des auteurs à succès continueront probablement d’émerger mais l’autoédition deviendra de moins en moins attractive.
Cependant, il n’y a pas de fatalité à la marginalisation de l’autoédition. Celle-ci peut devenir réellement attractive si elle parvient à se transformer et à se renouveler. Comment ? Réponse dans la deuxième partie à venir.