Aller voir un film toute seule est une activité à laquelle je m’adonne de temps à autre, tel un petit léopard cinéphile quand ça l’arrange. C’est lors d’une de ces poussées solitaires que je me suis acheté un pass pour le Brussels Film Festival, durant lequel était projeté « Zivan Makes a Punk Festival » de Ognjen Glavonić.
Ce ne sont pas ces cheveux mais un superbe couvre-chef en fourrure hérité de son papy.
Zivan aka Jimmy est un Serbe plus si jeune que ça qui organise son festival punk pour la sixième fois dans un bled relativement proche de Belgrade. Sans vouloir d’emblée excommunier le type, je signalerais qu’à première vue (comme aux suivantes), il n’a pas l’air d’aimer le punk. Mais la démarche y est : collage d’affiches forcené, système D omniprésent et entrée pour le festival à 1 €. On est invité à y croire, donc. Et à faire abstraction du sentiment Borat’ien qui s’instille en nous dès les premières minutes.
Cependant, plus le film avance plus on se dit que Zivan n’est pas un fervent disciple du DIY mais plutôt un gros foireux qui s’est attiré la confiance d’habitués des foires au boudin. Parce que loin de nous faire rêver, les groupes présents dans le film sont moins inspirants
D’ailleurs, la phrase qu’il prononce le plus souvent n’est autre que « I didn’t organize that », qu’il s’agisse de prévoir des bières pour les groupes ou mieux, leur cachet. L’aspect financier est traité au compte-goutte ; la majorité du fric provenant d’un type du village dont on ne dit rien. Interrogé à ce sujet par le réalisateur, Zivan se montre excessivement vague et se contente de dire qu’il « respecte les personnes qui le financent ». Coucou, la mafia locale.
Au final, malgré un manque de prévoyance pathétique, Zivan parvient à défrayer tous les gens qui participent à sa soirée. Ce qui mérite une belle gommette dorée. Et à le voir gambader en ne manquant jamais une occasion de se présenter comme l’organisateur du festival, on se dit qu’il vendrait tout organe excédentaire si ça lui assurait de pouvoir tromper quelques heures la solitude de Pančevo.
Avec ce premier film, Glavonic porte un regard exempt de moquerie sur un gars passionné peut-être, égocentrique c’est plus sûr. Car avant chaque prestation, il insiste pour gratifier un public clairsemé de ses slams avec conviction et double ration de clichés ennuyeux & misogynes. Outre cette pulsion scénique inexpliquée, Zivan confie qu’il a récemment effectué un séjour en psychiatrie. L’information ne paraît, au départ, pas ultra pertinente. Certes, il est un peu bizarre mais du genre rêveur débile sur les bords (dont le but ultime serait de mettre assez de thune de côté avec son festival pour s’acheter un chapeau encore plus beau que celui que son papy lui a légué). Pourtant, quand il prend le micro pour adresser ses remerciements à un terrain de foot on ne peut plus vide, un malaise (très) certain s’installe.
C’est la discussion finale entre Zivan et un de ses amis qui est la plus révélatrice des intentions du réalisateur. L’ami en question prend milles précautions pour faire admettre à Zivan que son projet n’est pas viable. Cohérent avec lui-même, Zivan insiste sur le fait qu’avec le temps et le minimum syndical niveau taf, son festival prendra de l’ampleur et lui permettra de vivre confortablement. Eh. Diplomate à la patience limitée, son ami l’informe que tout le monde le prend pour un con. Difficile à croire, tiens.