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Juppé et Debré donnent une leçon d’Etat à Sarkozy

Publié le 05 juillet 2014 par Blanchemanche
ANTOINE GUIRAL ET ALAIN AUFFRAY / 4 JUILLET 2014/ 


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Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, en septembre 2012 à la Cour des comptes.

Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, en septembre 2012 à la Cour des comptes. (Photo Sébastien Calvet)


L’ancien Premier ministre et le président du Conseil constitutionnel reprochent à l’ex-locataire de l’Elysée de s’en prendre à la justice.
Tous deux sont gaullistes et chiraquiens. Et, tels des gardiens du temple d’une Ve République vacillante, ont la notion «d’homme d’Etat» chevillé au corps. Coup sur coup, jeudi et vendredi, Alain Juppé et Jean-Louis Debré, respectivement dirigeant de l’UMP et président du Conseil constitutionnel, ont fait savoir sans ambages à quel point Nicolas Sarkozy était à leurs yeux dépourvu de cette qualité. Leur «leçon» a démarré dès le lendemain de la contre-attaque télévisuelle de l’ex-chef de l’Etat, avec ces propos ciselés du maire de Bordeaux : «Vilipender une institution de la République, à savoir l’institution judiciaire, comme le font certains responsables politiques, ne me paraît pas de bonne méthode.» En d’autres termes, dit l’ex-Premier ministre dont la carrière a été cisaillée par les affaires d’emplois fictifs au RPR et d’une peine d’inéligibilité, un responsable politique digne de ce nom ne doit pas jeter le discrédit sur un des piliers de la démocratie, pour se sortir de la nasse en privilégiant ses petits intérêts.
Réserve. L’autre charge a une portée symbolique d’autant plus forte qu’elle émane de celui qui a autorité sur le fonctionnement de l’ensemble des institutions françaises. Le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, a estimé devoir sortir de sa réserve pour dénoncer les propos tenus mercredi par Sarkozy. Dans une interview que diffusera ce samedi Europe 1, Debré dit son inquiétude : «Quand des responsables politiques commencent, à droite ou à gauche, à s’en prendre aux juges, c’est un des fondements du vivre ensemble, de la République qui est atteint.»
Sarkozy n’a certes toujours eu que mépris pour Debré, perçu comme un farouche «ennemi» à la solde du clan Chirac. Mais au-delà de l’évident plaisir pris par le fils de Michel Debré, fondateur de la Ve République, à remettre «le petit» (son expression pour désigner Sarkozy) à sa place, il y a aussi ses paroles sur le fond de l’affaire des comptes de campagne du candidat de l’UMP.
Point par point, Debré démonte l’argumentaire de Sarkozy qui a cru pouvoir s’abriter derrière le Conseil constitutionnel pour affirmer qu’il ne serait en rien concerné par le pillage des caisses de l’UMP à grand renfort de fausses factures émise par la société Bygmalion. «Personne ne peut imaginer que les enquêteurs du Conseil constitutionnel ou de la Commission des comptes de campagne [CNCCFP] soient passés au travers», avait déclaré l’ancien chef de l’Etat. Réplique cinglante de Debré :«Nous n’avons pas d’enquêteurs, nous n’avons pas de pouvoir de police judiciaire, nous ne pouvons pas faire des perquisitions, des saisies. […] On laisse entendre que nous aurions vérifié l’ensemble des comptes de la campagne de l’ancien président de la République. Non, ce n’est pas exact.»
Le président de la CNCCFP, François Logerot, avait dû procéder à la même mise au point après la révélation du scandale Bygmalion : «La commission a fait son travail avec les moyens qui sont les siens. Nous n’avons pas de pouvoirs d’investigation sur les comptes des partis, ni sur les comptes bancaires et encore moins sur la comptabilité des prestataires de service», avait-il souligné en réponse aux sarkozystes qui soutenaient qu’il n’y avait rien à voir, puisque la commission n’avait rien vu.
«Injurié». Jean-Louis Debré en a profité pour revenir sur les critiques formulées l’an dernier contre son institution après l’invalidation des comptes de Sarkozy : «Le 4 juillet dernier, lorsque nous avons rendu cette décision […], nous avons été l’objet de critiques qui m’ont profondément blessé.» Le président du Conseil constitutionnel estime avoir été «injurié» par ceux qui ont laissé entendre qu’il aurait pu influencer la décision collégiale des neuf «sages» en faisant peser des «considérations personnelles ou politiques».Nadine Morano n’avait-elle pas accusé Debré de vouloir«tuer l’UMP» ? Dans son élan suprême, il a enfin très sévèrement mis en garde ceux qui s’en prennent aux magistrats : «Quand des responsables politiques commencent, à droite ou à gauche, à s’en prendre aux juges, c’est un des fondements du vivre ensemble, de la République qui est atteint.»
Sidéré par ces propos, Henri Guaino, l’ancien conseiller de Sarkozy, laisse éclater sa colère : «Oui, les juges sont faillibles ! Non, l’institution judiciaire n’est pas sacrée ! Et ce n’est pas parce que monsieur Debré a été magistrat qu’il lui est permis de faire du corporatisme.» Un ton qui renvoie aux belles heures de la présidentielle de 2012. Quand le candidat Sarkozy, inspiré par son conseiller Patrick Buisson, se déchaînait contre «les corps intermédiaires» qui prétendent parler à la place du peuple.

Par ALAIN AUFFRAY et ANTOINE GUIRAL

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