Dans le texte intitulé « Réglementation :
la modération a bien meilleur goût », publié dans Huffington Post le
24 juin 2014, je dénonçais l’utilisation abusive de la réglementation pour
régir dans les moindres détails les relations entre les Québécois.
J’y reviens, car au Québec l’excès de réglementation
déresponsabilise les individus, attise les conflits et nuit considérablement à
l’économie.
Le cas particulier de la Régie du logement est un bel
exemple des effets pervers d’une réglementation anachronique et mal conçue qui
invite les abus et pénalise les personnes les plus démunies tout en prétendant
vouloir les aider.
Année après année la Régie propose des taux d’augmentation
des loyers tellement ridicules qu’il est surprenant qu’il existe encore des
propriétaires qui investissent dans le logement locatif. Il y aura toujours
bien sûr les projets servant à laver l’argent sale, mais cela risque d’être
insuffisant pour satisfaire les besoins des Québécois dont la proportion de
locataires est plus grande qu’ailleurs.
La Régie identifie huit variables composant les coûts
d’exploitation d’un logement : électricité, gaz, mazout et autres sources
d’énergie, frais d’entretien, frais de service, frais de gestion, revenu net,
dépenses d’immobilisation.
En 2014, la Régie
recommande une augmentation de 1,3 % de la composante « électricité ».
Cela est nettement insuffisant puisque le 1er avril dernier, la Régie
de l’énergie a autorisé Hydro-Québec à augmenter ses tarifs de 4,3 %. Les
propriétaires devront donc absorber la différence en espérant que la Régie leur
permettra de se rattraper en 2015.
La Régie propose aussi de limiter à 2,6 % l’augmentation de
la composante « dépenses d’immobilisation ». Quel propriétaire fera
des rénovations majeures à ces conditions? À ce taux, le propriétaire devra
attendre 32 ans pour récupérer un investissement de 5 000 $ fait dans un
logement loué 500 $ par mois. Une augmentation de 2,6 % du loyer ne suffirait
même pas à rembourser les intérêts d’un prêt de 5 000 $.
Il n’est donc pas surprenant que le parc de logements
locatifs, en particulier à Montréal, se détériore
et se raréfie. Les premières victimes sont les plus pauvres de la société :
les familles monoparentales, les travailleurs au salaire minimum, les
retraités.
La Régie a pour mission de traiter les litiges entre
propriétaires et locataires. Elle dispose d'une compétence exclusive pour
entendre les causes relatives aux baux résidentiels. Elle statue sur les
hausses de loyer, les conditions de location, le bruit, le chauffage, les
réparations à effectuer, ainsi que la résiliation des baux. Essentiellement,
dans le domaine du logement locatif, la loi a transféré le droit de propriété
du propriétaire à la Régie.
Nous gérons sans l’aide du gouvernement, voire malgré l’intervention du
gouvernement, l’ensemble de nos activités (famille, éducation, budget,
retraite, etc.). Toutefois, quand vient le temps de gérer les relations locataires-propriétaires
nous sommes considérés des handicapés mentaux qu’il faut protéger malgré nous.
Les bonnes intentions du législateur en matière de logement
locatif ont des effets pervers dramatiques :
Les augmentations de loyer
recommandées par la Régie sont insuffisantes pour que les propriétaires
puissent entretenir convenablement leur propriété. Le nombre de logements
insalubres augmente rapidement;
Un propriétaire n’a pas intérêt à
effectuer des réparations majeures puisqu’il lui sera impossible de récupérer
son investissement dans un délai raisonnable. Les problèmes de fuites d’eau,
les salles de bain et les cuisines dysfonctionnelles sont donc monnaie
courante;
Investir dans un logement locatif
est moins rentable qu’investir dans un fonds mutuel équilibré. Les locataires
ont de plus en plus de difficulté à dénicher un logement convenable, car les
nouveaux projets sont rares et les taux d’occupation sont très élevés.
Un propriétaire qui se limiterait aux hausses de loyer
proposées par la Régie serait acculé à la faillite en quelques années
seulement. S’il ne peut contourner le carcan imposé par la Régie il devra alors
négliger l’entretien et éventuellement vendre sa propriété. C’est une situation
malsaine qui ne sert qu’à envenimer les relations locataires-propriétaires. Tous
y perdent, mais dans tous les cas les locataires démunis sont les plus grands
perdants.
Bien sûr, cela sert les intérêts de la Régie. Les conflits
locataires-propriétaires sont sa raison d’être. Mais est-ce dans l'intérêt des
Québécois? Ne vaudrait-il pas mieux laisser le marché trouver son propre
équilibre, quitte à aider financièrement les familles dans le besoin à se loger
convenablement?
La Régie est sans conteste le facteur qui nuit le plus au
développement et au maintien du parc de logements locatifs québécois. Qu’il
existe malgré tout un parc de logements locatifs privés tient du miracle. Mais
pour combien de temps encore?