La Bombe

genre: documentaire, guerre (interdit aux - 12 ans)
année: 1965
durée: 45 minutes

l'histoire: Une bombe atomique soviétique s'abat en Angleterre. A partir de cette hypothèse faite dans le contexte de la guerre froide, Peter Watkins imagine les conséquences immédiates de l'attaque, l'éventualité et les conditions d'une survie. 

la critique d'Alice In Oliver:

Déjà, dès le début des années 1950, le contexte de Guerre Froide et la possibilité d'une guerre nucléaire influencent le cinéma de science fiction. A ma connaissance, le film Panique Année Zéro reste le ou l'un des tous premiers films de genre (je l'aborderai prochainement sur ce blog).
Il ne faut pas l'oublier: entre la fin des années 1950 et la fin des années 1980, le climat est particulièrement tendu entre la Russie et les Etats-Unis. La menace d'une Troisième Guerre Mondiale plane au-dessus du ciel. Certains citoyens américains construisent même des abris anti-atomiques.

C'est donc une véritable paranoïa qui s'installe, d'autant plus que le cinéma de science fiction s'empare de ce sujet (hélas) toujours d'actualité. De ce fait, pendant plusieurs décennies, de nombreux films évoqueront la guerre nucléaire, tout du moins un monde ravagé par les radiations et une espèce humaine en voie d'extinction. Ce ne sont pas les exemples qui manquent.
En 1962, Chris Marker réalise le court-métrage La Jetée, qui marque largement les esprits. Son style en noir et blanc et son côté quasi documentaire influencent grandement plusieurs cinéastes, entre autres, Peter Watkins.

En 1965, le cinéaste réalise La Bombe, en anglais The War Game (c'est aussi le titre original). Le principe du film est simple: à partir de données recueillies à Hiroshima et Nagasaki, et d'autres lieux de bombardements intensifs, Dresde, Darmstadt et Hambourg, Peter Watkins essaye d'imaginer ce que provoquerait une attaque nucléaire sur l'Angleterre.
Il décortique les effets sur les populations, les réactions sociologiques, l'efficacité des mesures prises par le gouvernement. La Bombe est donc un documentaire de fiction. On pourrait presque l'apparenter à une sorte de documenteur, qui n'a toutefois rien à voir avec le genre "Mondo", très en vogue à l'époque.

La BBC avait demandé à Peter Watkins de réaliser une simulation crédible des lendemains d'une attaque nucléaire sur l'Angleterre, hautement d'actualité en 1965. Elle a ensuite refusé de diffuser le résultat, très documenté et réaliste, donc très alarmiste et aux antipodes des déclarations politiques britanniques. Une lacune du contrat de production permit au film de tout de même sortir en salles.
Il fut récompensé d'un Oscar et du prix spécial du Festival de Venise en 1967, ce qui pour une simulation est une prouesse. Il remporta également un succès considérable en salles malgré sa durée de 48 minutes.

La Bombe est donc un court-métrage, et plus précisément un moyen métrage. Il sort également dans un contexte particulier. En effet, à la même époque, les Etats-Unis s'engagent dans une guerre contre le Vietnam. Certes, les faits exposés dans La Bombe sont bien de l'orde de la fiction.
Pourtant, sur le fond, La Bombe est bel et bien un documentaire. La fiction rejoint donc la réalité, d'autant plus que Peter Watkins effectue un travail de fond en se basant sur des recherches très poussées et sérieuses sur le discours politique de l'époque. Mieux encore, le réalisateur s'appuie sur l'analyse de psychologues et de scientifiques pour étudier les effets et l'impact de la bombe atomique sur la population, notamment en terme de radiations, d'épidémies, d'interventions militaires, de dommages collatéraux et des mouvements de foule et de panique.

Clairement, le film n'épargne aucun gouvernement et livre un véritable pamphlet contre la politique et certaines décisions économiques destinées avant tout à protéger les puissants et les dictatures de notre monde. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard, pendant plus de vingt ans, la BBC va empêcher la diffusion de La Bombe à la télévision anglaise, mais également à l’international.
Peter Watkins devra se rendre dans plusieurs pays pour financer son film et sera condamné à plusieurs années d’errance et de censure. Un film choc donc et toujours d'actualité.

note: 17/20