Dans son livre "Vivre le Chili", Thomas Poussard donne toutes les clefs pour s’installer au pays de Neruda (photo DR)
Le Chili a beaucoup fait parler de lui ces derniers temps. Surtout pour son parcours en Coupe du monde, périple avorté, hélas !, en 8e de finale après un match magnifique contre le Brésil (1- 1 et victoire du Brésil 3 -2 aux tirs au but, mais ça, c’est une autre histoire).
Mais le Chili, ce n’est pas que la Roja. Ce ne sont pas non plus que les 33 mineurs qui ont survécu 69 jours sous terre et dont l’histoire est en cours d’adaptation par Hollywood.
Le Chili s’est aussi une économie, forte. Sans doute la plus forte de toute l’Amérique latine. Et une douceur de vivre qui peut en séduire plus d’un. De plus en plus d’étrangers décident d’ailleurs de tenter l’aventure dans le pays couloir.
Le Français Thomas Poussard est de ceux-là. Depuis plus de huit ans, il a posé ses bagages au pays du "mote con huesillos", cette boisson hyper-sucrée qu’adorent les Chiliens.
Là-bas, il a découvert des us et coutumes qui lui étaient totalement étrangers. Aujourd’hui, il est comme un poisson dans l’eau et a même développé une activité de guide (à découvrir sur le site Chile private tours).
Son expérience du terrain, il en a fait un livre. Un guide pratique du "Vivre au Chili". Voyager vers le Chili et dans le pays, travailler, entreprendre, sortir, rencontrer l’âme sœur et même divorcer au Chili, Thomas Poussard aborde tous les pans de la culture andine. Indispensable avant de se rendre dans le pays, pour quelques semaines… ou pour la vie !
Pour Chili et carnets, il revient sur son expérience.
Quel est ton parcours ? Depuis quand es-tu au Chili ? Et pourquoi ce pays ?
Thomas Poussard : "Je vis au Chili depuis 2006, et comme beaucoup d’étrangers, j’y ai été attiré par une Chilienne, avec laquelle je suis toujours. Ne parlant pas espagnol à l’époque, j’ai passé ma première année sur place à apprendre la langue, mais aussi à voyager, lire, faire des rencontres… Au bout d’un an, je me sentais opérationnel pour chercher du travail, mais en tant que journaliste, c’était difficile. Comme je parle trois langues couramment et que j’aime partager mes connaissances, je me suis orienté vers le tourisme et ai commencé à travailler comme guide freelance, ce qui reste aujourd’hui mon activité principale. J’interviens occasionnellement comme correspondant au Chili pour les médias français, et ai donc publié mon premier livre Vivre le Chili cette année."
Quelle difficulté as-tu rencontré en t’installant là-bas ?
"La barrière de la langue, d’abord. Mais j’ai eu la chance d’être en totale immersion dans la famille de mon amie, donc cette barrière a été vite dépassée. Ce qui a été plus difficile, et l’est toujours aujourd’hui, c’est de savoir s’adapter à certains avatars de la vie chilienne. Par exemple, les Chiliens n’ont pas le même sens des obligations, et il faut toujours re-confirmer un rendez-vous deux fois pour éviter de se faire poser un lapin. Ils ont souvent du mal à prendre des décisions. Leur concept du temps est également différent du nôtre: outre le fait qu’être en retard est tout-à-fait normal et accepté, “tout de suite” peut signifier aussi bien “dans deux minutes” que “dans quatre heures”, et “un petit moment” ne dure jamais moins d’une heure. Le Chili vous enseigne la patience! C’est très agaçant au début, mais ça apprend à ralentir le rythme, à moins se stresser et à vivre le moment présent."
Quels sont les écueils à éviter ?
"Le premier écueil à éviter lorsque l’on veut s’installer, c’est de débarquer sur un coup de tête, sans avoir fait un minimum de recherche. Il est certes très facile d’arriver au Chili: il suffit d’un passeport valide; et si l’on souhaite obtenir un visa, il est possible d’effectuer les démarches sur place. Mais mieux vaut au moins y venir une fois pendant quelques semaines pour faire des repérages avant de décider de s’installer -ce qui est valable pour n’importe quel pays. Ensuite, il faut avoir suffisamment d’économies pour subsister quelques mois. Le Chili n’est plus un pays bon marché, on arrive aux mêmes niveaux de prix qu’en Europe. Et si vous songez chercher un emploi dans le pays, il est chaudement recommandé de faire traduire tous ses diplômes en espagnol et de les faire valider par un notaire en France, par l’ambassade de France, et celle du Chili. Cela prend du temps, mais c’est nécessaire."
Pourquoi s’installer au Chili aujourd’hui ?
"Le Chili est aujourd’hui l’un des pays les plus attractifs pour s’expatrier. La démocratie y est stable depuis 25 ans, le pays a l’économie la plus riche et dynamique d’Amérique Latine, il est également le plus sûr de la région. Mais ce n’est pas tout: le Chili a commencé à s’ouvrir au monde il y a une vingtaine d’années seulement, ce qui en fait un terre d’opportunités. Les Chiliens, longtemps isolés dans leur bande de terre du bout du monde, accueillent bras ouverts les Européens, qu’ils soient étudiants ou investisseurs. La communauté francophone y est relativement importante, avec plus de 11 000 Français inscrits au registre du consulat – soit probablement le double en réalité -, sans compter les étudiants qui viennent en échange universitaire, et beaucoup de Canadiens. Enfin, il y a les atouts naturels: une grande diversité de climats et de paysages, avec la zone centrale bénéficiant du doux climat méditerranéen, des produits agricoles et des vins de première qualité… Bref, tous les ingrédients pour avoir une bonne qualité de vie sont réunis."
Quelles sont les choses dont la France devraient s’inspirer ?
"On parle souvent du succès du modèle économique chilien. Dans ce pays très libéral, il est en effet très facile de créer sa propre entreprise (les types de société les plus simples peuvent se créer en quelques heures sur Internet, pour un coût total d’environ 200 euros), et le système d’imposition est avantageux. D’un point de vue politique, la Constitution interdit d’avoir le même président pour deux mandats consécutifs, ce qui évite de perdre les deux dernières années du mandat à préparer une éventuelle réélection. Par ailleurs, les élections législatives et présidentielles ont lieu en même temps, ce qui permet d’éviter les multiples périodes électorales et apporte une certaine stabilité, avec un seul changement tous les quatre ans."
Et, au contraire, dans quel domaine le Chili peut-il largement s’inspirer de la France ?
"Un ami chilien m’a un jour dit en plaisantant: “Le Chili a de fortes influences anglaises, françaises et allemandes, malheureusement, il n’ont pas bien choisi: pour la gastronomie, ils ont choisi l’influence anglaise, pour la politique, la française, et pour l’administration, l’allemande”. Ce n’est pas faux; et l’on pourrait penser que l’administration allemande est un bon modèle. Sauf que le Chili n’a pas les moyens à la hauteur. Donc les démarches prennent du temps, on vous demande parfois des choses contradictoires voire ubuesques, l’information ne circule pas entre les différents services et institutions… On a beau dire, mais l’administration francaise est efficace. J’ajouterai que la protection sociale au Chili est bien loin des standards européens."
Quelle est ton actualité ?
"Je travaille actuellement sur un deuxième projet pour le même éditeur: Portraits de Valparaíso et Santiago. Ce livre fait également partie d’une collection, dont le concept m’a particulièrement attiré. Il s’agit de faire le portrait d’une quinzaine de personnes, étrangères et locales, qui racontent leur ville, leur histoire: ce qui les a amené ici, pourquoi ils/elles y sont resté(e)s, ce qui leur plait… Chacun donnes également ses bonnes adresses. C’est un livre hybride entre recueil d’interviews et guide de voyage. Une sorte de guide amoureux de Valparaíso et Santiago, si l’on veut. Le livre est en cours d’écriture et devrait être publié d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, je peaufine actuellement un ebook sur la communication par courriel, et travaille à un scénario de long-métrage."
Vivre le Chili, chez Hikari éditions, par Thomas Poussard, 19,90€ (plus de renseignements sur la page de l’éditeur)
"Vivre le Chili", chez Hikari éditions